Zombillénium, 1. Gretchen / Arthur de Pins
Au bord de la
D40, sous la pluie, une silhouette juvénile et encapuchonnée fait du
stop. Fatigué de son quotidien sans relief, Aton a décidé de rallier Le
Caire via Marseille. L'Égypte. Normal pour une momie. Mais voilà qu'une
grosse cylindrée s'arrête sur le bas-côté. Francis von Bloodt et Sirius
Jefferson, respectivement directeur et directeur du personnel, sont
venus récupérer leur employé fugueur. Aton est salarié, plus
précisément esclave-salarié (concept novateur en gestion des ressources
humaines) à Zombillénium, le parc d'attraction où on vient se faire
peur en famille. Zombies, monstres à deux têtes, squelettes... tout un
peuple de morts-vivants est chargé, sans aucun avantage social,
d'animer le parc à thème. Sur le chemin qui les ramène vers le parc,
les trois énergumènes (un vampire, un squelette et une momie)
renversent un piéton qui n'avait déjà plus tous ses esprits, bouleversé
qu'il était par l'infidélité de sa femme. Mort pour mort, l'amoureux
devient rapidement d'un grand intérêt pour le parc, qui cherchait
justement un vendeur de barbe-à-papa pour remplacer Aton. Reste à
savoir quel monstre il va devenir : la querelle fait rage entre Francis
et Blaise, chacun y allant de sa morsure pour que la nouvelle recrue
devienne soit vampire soit loup-garou. Malgré l'intervention de
Gretchen, Aurélien Zahner a été si bien mordu qu'il se transforme
périodiquement (sous l'emprise de la colère) en une créature ailée,
rouge de rage, aux canines acérées et aux oreilles pointues. En un mot
LA nouvelle attraction de Zombillénium. Seulement il y en a que ça
irrite, d'autant plus que les temps sont troublés et que les
actionnaires parlent de plan social : les zombies n'apprécient guère la
nouvelle coqueluche du parc et décident de le pousser à la faute pour
qu'il soit licencié (à Zombillénium, cela signifie retourner pour de
bon à l'état initial de défunt). C'est compter sans Gretchen, petite
sorcière aux pouvoirs étendus et aux troubles motivations. La jeune
fille au regard clair est en effet capable de remettre sur pieds une
visiteuse victime d'un arrêt cardiaque, après lui avoir effacé la
mémoire, cela va sans dire... Ou de changer des importuns ayant eu
l'outrecuidance de l'irriter en poissons rouges. Mais au fait, quels
intérêts sert-elle, cette puissante sorcière ?
L'auteur revendique la conception de l'album entier
via un logiciel graphique, ce qui se sent à la pureté un peu lisse du
trait. Le rendu global est cependant intéressant, avec un univers
proche du dessin animé et un trait efficace. L'ambiance est un des
atouts de l'album, qui use avec bonheur de l'humour et de la dérision.
De nombreuses situations dégagent un comique immédiat (Zahner déjeune
pour la première fois à la cantine, hésitant entre des plateaux de
mains coupées et d'yeux arrachés), tandis que les répliques sont
souvent drôles : « Va mourir ! » réplique un Aton excédé au
squelette Sirius qui lui explique qu'il n'a qu'à enlever ses
bandelettes pour qu'on le prenne au sérieux. Le second degré est
dominant, comme dans cette traduction d'une réplique de Gretchen, en
retard et coincée derrière un tracteur : « pourriez-vous vous
écarter, je vous prie ? » Alors que tout anglophone débutant aura
saisi sans peine le caractère particulièrement ordurier des propos
originaux de la belle sorcière...
Le premier tome de la série s'avère tout-à-fait
efficace et devrait plaire à un public varié, car elle mélange premier
et second degré dans un album qui fait appel à plusieurs niveaux de
lecture. Un manière futée de récupérer, en les détournant un petit peu,
les codes de la littérature vampirique si prisée de nos adolescents. Un
album à proposer sans hésiter dès le collège, au LP et au lycée.
Références :
Zombillénium, 1. Gretchen / Arthur de Pins. Dupuis, 2010. 978-2-8001-4721-5. 14,50 €.