Le voyage improbable, première partie / Turf


Couverture de l'album
    Un nouvel album de Turf est une bonne nouvelle pour les amateurs de son style goguenard et coloré, qui s'est fait discret depuis la Nef des fous. C'est forcément avec un rien d'appréhension qu'on soulève la couverture intrigante de ce nouveau récit. Jugez-en vous-mêmes : que peut bien signifier ce phare accroché à la roche et qu'on devine en orbite autour de la Terre ?

    Un ouvrage d'art satellisé, pardi ! Chez Turf, c'est aussi simple que ça. Et le mieux, c'est qu'on y croit ! Tout commence sur une plage à marée basse, alors que des grandes marées exceptionnelles permettent un accès à pied sec au phare d'Ouestan, l'un des derniers phares habités. Pendant ces quelques heures, on ravitaille le gardien, on effectue des travaux d'entretien, tandis qu'une équipe de fouilles s'active au pied de la roche sur laquelle il est bâti : un paléontologue patenté, Auguste Schnaps, a découvert le squelette d'un plésiosaure pour le moins particulier, dont on suppute qu'il aurait deux têtes ! Ceci justifie une campagne express, menée avec l'aide d'une équipe complète de fouille et d'un scientifique ami, le professeur Noodle, qui arrive en retard pour cause de phobie du transport aérien (accompagné d'un drôle d'oiseau, escogriffe de noir vêtu qui prétend s'appeler Kurt Fruchttück, de l'université de Kugluktuk). La fouille tourne rapidement court, quand une étudiante signale au professeur Schnaps un drôle de bruit émanant d'un trou dans la roche. Le savant analyse fort justement la situation : « c'est un gaz ! Apparemment incolore et inodore. Le jet est régulier et puissant ! (…) cela pourrait être du C4H10 ou du C3H8, des gaz bigrement inflammables... et bougrement explosifs » Cela dit en pointant son éternel cigare sur le trou en question.
    La spectaculaire explosion qui s'ensuit propulse roche, phare, scientifiques et étudiantes dans les airs. Les naufragés mettent quelque temps à réaliser l'ampleur de l'événement, encore un peu plus à s'organiser. Tout n'est pas perdu, car le phare, en plus d'un gardien peu amène et de son perroquet grossier, contient des provisions, une réserve d'eau douce, un groupe électrogène et des produits de première nécessité. L'odyssée spatiale qui commence, absolument improbable et placée sous les auspices d'Hergé (comment ne pas voir dans le phare rouge et blanc une image en miroir de la fusée d'Objectif Lune ?) ménage de superbes images de la Terre vue de l'espace et des rencontres étonnantes. Ainsi Laïka, le premier être vivant envoyé dans l'espace par les soviétique, sort-elle la tête d'un satellite intercepté par les voyageurs... Comme d'habitude chez Turf, l'histoire, délicieusement absurde, est émaillée de dialogues savoureux, et servie par un trait riche et précis. Des rebondissements étonnants ponctuent le récit, et malgré ses fondations irrationnelles, on attend la suite avec impatience ! Pour tous dès le collège.


Références :
Le voyage improbable, première partie / Turf. Delcourt, 2014. 14,50 €. 978-2-7560-4785-0.