Seule / Denis Lapière, Ricard Efa
A la lecture
de la quatrième de couverture et du sous-titre (« d'après les
souvenirs de Lola »), à l'observation de la première de
couverture, on imagine l'histoire d'une petite fille abandonnée dans la
guerre suite à un bombardement qui aurait ôté la vie à tous les adultes
qui l'entourent. Il n'en n'est rien. Lola n'est jamais totalement
seule, sauf quand elle le décide en fin d'album. Mais les adultes qui
sont responsables d'elle ne sont pas pour autant présents. Rien de très
étonnant d'ailleurs en cette première moitié de 20e siècle où les
enfants ne sont pas comme aujourd'hui considérés comme des adultes en
devenir. L'histoire de Lola est semblable à celle de tant d'autres
enfants, hier et aujourd'hui : dans l'Espagne où la guerre entre
Républicains et Nationalistes fait rage, elle est l'aînée d'une fratrie
de deux filles. Son père mobilisé, sa mère seule en ville avec un bébé
dans une période de restrictions, la petite alors âgée de trois ans est
confiée aux grands-parents qui vivent à la campagne. Aimants à leur
manière, rude et sans tendresse, ils s'occupent de l'enfant de leur
mieux jusqu'à ce que les franquistes bombardent le village, les
obligeant à fuir dans un village de montagne, auprès de connaissances
qui acceptent de les héberger. Un accident bête, et Padrina, la
grand-mère, doit être emmenée à la ville pour être soignée. Padri part
pour quelques jours. Restent les deux vieux et les soldats républicains
stationnés au village, qui ne tarderont pas à être appelés ailleurs...
Lola pousse comme elle peut, tâchant de se rappeler le nom de sa petite
sœur et les bras de sa maman. Elle apprend à lire, elle découvre la
mort et apprivoise la solitude. Jusqu'au jour où elle décide, puisque
la guerre, d'après les adultes, est terminée, d'aller retrouver sa
maman en ville. C'est un long chemin à pied, puis en train, pour une
enfant de sept ans. Mais Lola a de la ressource, et l'espoir de
retrouver sa famille...
Le visage fermé de Lola n'est pas un visage qui
renonce, alors que tant d'adultes autour d'elle, emportés par l'horreur
et l'absurdité de la guerre, en ont la tentation. Pourtant, elle reste
quantité négligeable, comme le sont malheureusement trop souvent les
enfants pris dans les conflits des grands. Sa vision de la guerre est
rendue par des planches très colorées, où la nature domine et le soleil
joue dans les feuillages. Mais les soldats ne sont jamais loin. La
guerre d'Espagne, conflit parfois difficile à comprendre pour les
jeunes lecteurs, est ici rendue à hauteur d'enfant, à travers tous les
dégâts qu'elle entraîne au sein de la population. Un album intéressant
pour le collège.
Références :
Seule / Denis Lapière, Ricard Efa. Futuropolis, 2018. 16 €. 978-2-7548-2099-8.