La Saga de Grimr / Jérémie Moreau


Couverture de l'album
    Grimr est une force tellurique en chemin. Gamin couvert de suie, sorti furieux de la colère du volcan qui lui a pris son père et sa mère, il échappe de justesse à l’esclavage et devient fils de personne, pupille d’un vagabon, un voleur cultivé qui ne possède rien. Dans l’Islande du 17e siècle, la nature et les hommes vivent dans le plus complet dénuement, pillés par le Danemark qui les tient sous son joug. Seules les sagas et leur fierté tiennent les islandais debout, malgré les famines, les épidémies et les volcans qui grondent. Un écrivain en quête d’inspiration croise le chemin de Grimr, est séduit par son tempérament et sa force brute. Mais pour pouvoir écrire une saga, il faut des hauts faits, et le jeune homme n’en n’a pas accompli… A défaut d’en faire un héros, l’auteur lui confère une existence en lui donnant ce qui lui manque le plus pour être un homme comme les autres : le titre de propriété de sa propre ferme qu’il a abandonnée suite à la mort de sa femme et de son enfant.

    Cela ne suffira pas, hélas, pour sauver Grimr de son destin : pour avoir voulu protéger la jeune fille dont il tombe amoureux du viol d’un émissaire du roi du Danemark, il est bientôt condamné à mort. La justice des hommes est faible, autant que l’est leur tolérance, et Grimr, quoi que rescapé du bourreau, erre dans les sommets islandais en quête de celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer.
« Nos vies sont faites de métal incandescent. Tant qu’elles rougeoient, nous en restons les forgerons. Créateurs et inventeurs de nous-mêmes. Mais comme le métal du forgeron qui refroidit, comme la coulée de lave qui atteint l’extrémité de son expansion, nos vies se figent. Ce n’est qu’à cet instant précis qu’on peut dire qui on a été. Quand la coulée de la vie a pris sa forme définitive. D’ici je la contemple. Cette vie. Ma vie. Et je sais enfin qui je suis… Moi… Grimr. »

    La force du récit, dévoilée au fil de l’album et dans la toute fin de l’histoire, est soutenue par un dessin aussi brut que l’est Grimr, en encres délavées et couleurs fortes, dont certaines planches forment des vitraux quand la puissance de la nature dépasse les mots des humains… Une expérience forte de lecture, exigeante car éloignée de l’univers de nos élèves, mais une de ces lectures qui nous rendent plus vivants. A glisser dans les bacs des lycées et LP.


Références :
La Saga de Grimr / Jérémie Moreau. Delcourt, 2017. 25,50 €. 978-2-7560-8064-2.