Des souris et des hommes / Rébecca Dautremer, John Steinbeck

Couverture de l'album
    Ce beau livre illustré n'est pas une bande dessinée mais un album. Il s'agit de l'adaptation dessinée par Rébecca Dautremer du roman de John Steinbeck paru en 1937 et étudié dès le collège. Le texte, traduit par Maurice Edgar Coindreau, est ramassé en paragraphes plus ou moins longs, disposés en fonction des choix visuels de la dessinatrice bien connue pour son travail en illustration.

    Ce classique raconte les tribulations de deux amis d'enfance, saisonniers qui traversent la Californie en quête d'une embauche. La quête n'est pas simple. Lennie, fort comme un boeuf, est un simple d'esprit que George n'a jamais voulu abandonner, mais qui provoque des catastrophes partout où il passe. Il ne rêve que de tenir dans sa main des petites choses douces pour les caresser, comme les petites souris ou les lapins. Mais sa poigne est si forte qu'il écrabouille la petite bête dès qu'elle se met à s'agiter. Pour le consoler, et pour tromper la faim qui les accompagne souvent sur la route, George raconte à Lennie comment ce sera, quand ils auront gagné de quoi s'acheter leur ranch à eux. "On vivra comme des rentiers (...) on aura dans le jardin, et les lapins dans les cages, et la pluie en hiver, et le poêle, et le crème sur le lait qui sera si épaisse qu'on pourra à peine la couper."
    C'est une fable à laquelle George croit à peine, mais qu'il raconte à Lennie pour bercer son coeur d'enfant. Et puis, après tout, qui sait ? Le vieux Candy, dans le ranch où ils sont arrivés, leur a bien proposé ses économies s'ils acceptaient de l'acheter avec lui, leur petite maison avec un ou deux hectares de terrain... Mais nous sommes l'Ouest, pendant la Grande Dépression, et "les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde. Ils ont pas de famille. Ils ont pas de chez-soi. Ils vont dans un ranch, ils y font un peu d'argent, et puis ils vont en ville et ils dépensent tout... et pas plutôt fini, les v'la à s'échnier dans un autre ranch. Ils ont pas de futur devant eux."

    Pour cet ouvrage monumental, travaillé à la gouache, au crayon et à l'encre, Rébecca Dautremer entremêle les styles en fonction des situations : outre ses très beaux paysages et portraits d'animaux aux couleurs franches et aux tonalités souvent rouges-ocres (presque une signature), elle utilise à bon escient des croquis déroulés en bandes pour les dialogues parfois justement complétés de motifs esquissés pour donner à voir ce qui se cache dans les pensées des personnages. Elle reprend aussi, pour un regard décalé, l'imagerie des réclames et publicités de l'époque, ainsi que, parfois, les codes visuels des illustrés, prémisses de la BD. A d'autres moments le trait devient enfantin, et on visualise alors le monde tel que le voit Lennie. Les portraits sont toujours soignés et très expressifs, et le silence a sa place dans le dessin comme dans le texte.
    C'est de la belle ouvrage, qui permet plusieurs lectures et laisse place à la rêverie. A proposer aux élèves et à leurs professeurs, dès le collège et en lycées.



Références :
Des souris et des hommes / Rébecca Dautremer, John Steinbeck. Tishina, 2020. 979-10-91472-07-4. 39€.