A l'occasion
d'un voyage en Nouvelle-Calédonie en 1997, Didier Daeninckx entend
parler pour la première fois de deux événements majeurs de l'histoire
de ce pays et de ses relations avec la France, dont il était alors une
colonie : l'exhibition d'une centaine de Kanak à l'Exposition
coloniale de Paris en 1931, et l'épopée du chef rebelle Ataï, vaincu
lors de l'insurrection kanak de 1878 et dont la tête fut envoyée en
métropole pour être étudiée, avant de disparaître. Ces deux événements
lui inspirent deux romans, parus sous les titres de Cannibale et Le retour d'Ataï.
C'est de ce dernier qu'est tiré cet album, racontant le voyage d'un
vieux Kanak en France sur les traces du crâne du chef rebelle.
Gocéné Nondo fit partie des prisonniers exhibés lors de l'Exposition
coloniale. Cette blessure a marqué sa vie, mais ce n'est pas pour cela
qu'il refait le voyage des années plus tard. Il veut effacer les
traces, et ramener au pays la tête du chef Ataï. En 1877, les Kanak
étaient regroupés dans des réserves par l'occupant français, et divisés
en tribus aux intérêts divergents. Ataï osa tenir tête aux colons, et
mener ses hommes à la révolte. Sa tête est mise à prix, et des Kanak
d'autres tribus s'allient aux militaires français pour le traquer. Tué
par des frères, il est décapité et sa tête est exposée à Nouméa avant
d'embarquer sur un bateau pour la France. Gonocé la cherche, des salles
des ventes aux réserves du Musée de l'Homme, remontant la trace de
trafiquants et d'amateurs de reliques humaines... Son enquête, imaginée
par Didier Daeninckx, rejoint la réalité, puisque, suite à la parution
de ses romans, un anthropologue du Musée de l'Homme prend contact avec
l'auteur, permettant en 2011 la découverte de la tête du chef rebelle
dans les réserves du musée.
L'album, au trait et aux ambiances
réalistes et sombres, permet une découverte de l'histoire et de la
culture Kanak, sans doute assez méconnues de nos élèves. Il a pour
cette raison une place évidente dans les bacs à BD du lycée et du LP.
Il ménage des moments de récit au fil de l'enquête, répits bienvenus
dans la violence de cette histoire coloniale :
« A attendre la mer au bas des sables
On voit venir de loin les bords du monde... »
Références :
Le retour d'Ataï / Emmanuel Reuzé, d'après Didier Daeninckx. Emmanuel Proust, 2012. 978-2-84810-393-8. 15,00 €.