Quatorze juillet / Bastien Vivès, Martin Quenehen


    Comme tous les héros de Bastien Vivès, le gendarme Jimmy Girard est opaque. Est-il le héros que la France célèbrera bientôt dans la cour des Invalides ? Le fils affligé par la mort de son père et qui passe ses soirées à potasser son examen d’officier ? L’album suit ses pérégrinations sans qu’on puisse percer ses motivations exactes : contrôles routiers, arrachage de plantations illégales de cannabis, enquête discrète sur les motivations du peintre parisien installé depuis peu au village pour faire le deuil de sa femme morte dans un attentat… Comme toujours chez Bastien Vivès, on observe les actes, sans avoir forcément toutes les clés pour comprendre les motivations. Pour quelles obscures raisons Vincent Louyot, le peintre éploré, se rend-il à Echirolles prendre livraison d’un colis contenant tout le matériel nécessaire à la fabrication d’une bombe artisanale ? Quelles sont les motivations de sa fille, qui semble vivre dans un monde décalé ? Et pourquoi Jimmy Girard, au lieu de dénoncer le peintre, se charge-t-il de faire disparaître la bombe tout en mettant dans les mains de l’homme un fusil de chasse qui appartenait à son père ?

    Le monde affleure dans le scenario, à travers les conversations des personnages ou à travers les informations diffusées par un poste de télévision allumé dans un coin de case. Ce qu’on en comprend est qu’il ressemble absolument à celui qu’on connaît, en peut-être pire : attentats, immigration, dérèglement climatique, catastrophes naturelles et industrielles… Le traitement porte la marque Vivès : noir et blanc, champ et contre-champ, cadrages resserrés, succession de séquences collant à la réalité la plus prosaïque et laissant dans l’implicite le ressenti des personnages. L’ambiguïté demeure intacte, à l’image des conseils que son supérieur donne à Jimmy Girard juste avant son examen et son coup d’éclat : « T’as de bonnes capacités. Esprit d’initiative. Aptitude à l’encadrement. Mais faut juste bosser ta militarité. Quand il y a des permanences, ou des ordres d’un supérieur. On est présent, on exécute. Les initiatives personnelles, c’est bien, mais ça ne doit pas empiéter sur le reste. »

    Un bon album sociétal à proposer aux lycéens (LP et lycée).


Références :
Quatorze juillet / Bastien Vivès, Martin Quenehen. Casterman, 2020. 22 €. 978-2-203-19683-4.