Prince et Couturiere

    Fauve jeunesse au Festival d'Angoulême 2019 (et Eisner Award la même année), cet album fait partie de la sélection du défi Babelio Ado pour 2020-2021. Il rassemble des ingrédients qui font mouche à tous les coups : un trait inspiré de l'esthétique du manga et de la chick-litt, une intrigue romantique et un contexte à peine exotique (le Paris du Second Empire à l'époque de la naissance des grands magasins).

    Ce conte de fées, ainsi que le présente la 4e de couverture, se déroule surtout dans les boudoirs et les escaliers dérobés. Il raconte l'histoire du Prince Sébastien, que ses parents (roi et reine de Belgique) cherchent à caser en écumant tous les beaux partis d'Europe, et qui ne rêve que de briller dans le monde sous son identité préférée : celle de Lady Crystallia, icône de la mode du Tout-Paris. Pour cela, Sébastien sait pouvoir compter sur le dévouement de son fidèle Émile, et surtout de l'entêtée Francès, qui a de l'or dans les doigts et veut devenir une styliste reconnue. En attendant, Francès crée des robes faramineuses en secret pour Lady Crystallia, que les élégantes parisiennes s'empressent de copier... Sébastien a une totale confiance en Francès, au point d'oublier qu'on ne peut pas vivre toute sa vie dans le secret d'un boudoir à ne pas pouvoir signer ses créations de son vrai nom. Lorsqu'elle sent sa chance lui échapper, Francès s'échappe elle aussi, laissant le Prince se résigner à suivre la voie indiquée par son rang et par ses parents... Mais on ne contraint pas sa nature profonde comme on donne un ordre à ses domestiques, et le secret de Sébastien ne résistera pas au départ de Francès. Et si finalement c'était là la solution ?
    Cette sucrerie qui plaira sans aucun doute tire son intérêt (pour qui n'a plus douze ans) de la sincérité de ses personnages et de leurs sentiments. Francès n'a pas à accepter que Sébastien se déguise en fille : il n'est pas déguisé, il est à la fois Sébastien et Crystallia. « Non, Votre Altesse, il ne se posait pas de questions sur lui-même. Ce qui a perdu Sébastien, c'est sa peur de ce que VOUS pourriez penser de lui. De ce que VOUS pensez de lui. » Cette réflexion moderne sur ce qui fait l'identité intime passe plutôt bien dans l'album, même si la fin semble assez peu crédible dans le contexte (mais il s'agit bien d'un conte !) Alors profitons de l'attrait évident de cette bande dessinée pour glisser le message de tolérance sur l'identité sexuelle que nos élèves ont besoin d'entendre ! Pour le collège (et éventuellement le LP).

Le Prince et la Couturière / Jen Wang