Primo Levi / Matteo Mastragostino, Alessandro Ranghiasci



    De Primo Levi, on sait qu’il fut rescapé d’Auschwitz, qu’il témoigna toute sa vie et fut l’auteur de « Si c’est un homme », enfin qu’il mourut d’une chute dans la cage d’escalier de son immeuble, dont on ignore s’il s’agit d’un suicide. Matteo Mastragostino choisit de raconter « son » Primo Levi, tel qu’il se le représente, en mettant en lumière des passages de son existence qui sont moins connus. Ce choix est revendiqué et expliqué en annexe, avec une biographie qui éclaire le parcours de cet homme engagé, mais aussi ceux des personnages principaux évoqués dans l’album. Le scénariste choisit de montrer le témoignage de Primo Levi auprès d’une classe de primaire, et d’égarer le lecteur par des allers-retours, des renvois de certaines planches à d’autres, par l’intermédiaire de personnages ou de situations. Tout comme le choix de rédiger certaines répliques en Allemand, ou en « Lager-Sprache », la langue parlée par les prisonniers à Auschwitz, mélangeant l’Allemand avec d’autres langues. Il s’agit de faire ressentir, même de très loin, même de façon artificielle, la confusion qui pouvait être celle d’un homme arraché à sa vie pour être projeté dans un univers où rien ne compte plus que de tenir un jour de plus, et où la mort peut surgir de partout, même des situations les plus anodines.

    Le récit pourra donc être un peu difficile d’accès, et exiger des compétences de lecture, cependant il parle un langage simple, puisque Primo Levi s’adresse à des enfants assez jeunes. Et même s’il ne cache rien de la terrible réalité du camp (y compris l’extermination), il est accessible dès la 4e-3e. Il apporte en outre un éclairage intéressant sur l’engagement de Primo Levi dans la résistance et sa relation avec Vanda, une jeune fille qui l’entraîne dans ce choix, avec qui il sera arrêté et conduit au camp de transit de Fossoli, avant d’être déporté. Cette relation qui n’a pas pu s’épanouir, et qui aurait pu les sauver de la rafle…
« Je voudrais croire
en quelque chose d’autre,
outre la mort qui t’a défaite,
je voudrais dire l’intensité
avec laquelle, alors, nous désirâmes,
nous, engloutis déjà,
pouvoir ensemble, une fois encore,
marcher libres sous le soleil. »
25 février 1944

    Cet album, dessiné par Alessandro Ranghisci avec douceur, délicatesse et une très grande précision, imprime une profonde tristesse, car à la nécessité des témoignages, que nous avons maintes fois relayés, s’ajoute ici la trace de la perte d’espoir, de la confiance en l’avenir, que le camp vola à beaucoup de ceux qui survécurent.


Références :
Primo Levi / Matteo Mastragostino, Alessandro Ranghiasci. Steinkis, 2017. 16 €. 978-23-68461-45-7.