Nouvelles graphiques dAfrique

    Cet album déjà ancien au vu de l’accélération de l’actualité mondiale (les quelques événements d’actualité dont il est question datent de 2014) mérite quand même un moment d’attention, car ce dont il parle est peu présent sous cette forme dans nos CDI. Ces nouvelles graphiques correspondent bien à leur titre : dix courts récits en images, avec ou sans texte, sous la plume et les crayons de Laurent Bonneau, qui se fait conteur pour traduire des ambiances. Il y a des portraits, comme des photos posées de photographe, il y a des instantanés qui retracent un match de foot sur la poussière jaune, il y a des lumières sur le fleuve ou le soleil levant, par grands à-plats de pastels gras, et des crayonnés à la mine ou au stylo bille. Une grande diversité de techniques mises au service d’une unité visuelle certaine. Et à travers l’album, toutes les thématiques qui parcourent l’Afrique : l’exil, le développement économique confisqué par les puissances étrangères (la Chine, l’Europe) et par la corruption de quelques uns, la guerre civile, la religion aussi, et « l’extrême patience de ceux qui attendent toute leur vie, dans ce vent de poussière emportant tel un souffle les bruits et les odeurs âcres, sans que rien n’arrive jamais ».
    Le portrait du continent est autant en mots qu’en images, qui se répondent : certaines nouvelles se passent de texte, d’autres résident dans les mots. Ainsi de ces deux pages qui transcrivent intégralement un journal d’actualité de RFI, sur fond de deux images seulement, où l’on voit dans une rue des hommes et des enfants qui nous tournent le dos, regardant dans la même direction que nous. Regardant quoi ? Le monde qui tourne sans eux ? L’exil est finalement peu montré dans le livre, même s’il ouvre et clôt le recueil : ce sont les raisons de partir ou de rester qui sont le centre des nouvelles. De ce point de vue, l’ouvrage est original, et peu rassurant : « ma vie à moi est semblable à beaucoup de celles de mes frères d’ici. Avant de penser au mois prochain, il faut que demain soit assuré ».

    Un bel ouvrage, plutôt facile d’accès pour les petits lecteurs qui ne sont pas obligés de parcourir le texte en entier pour saisir le message. A proposer en collège, LP et lycée.

Nouvelles graphiques d’Afrique / Laurent Bonneau