Negalyod / Vincent Perriot

Jarri Tchapalt est berger dans le désert de
Ty. Il mène son troupeau de dinosaures à travers les plaines, depuis
que son père est mort et que sa mère, déserteuse, a été reprise par
l'armée. Il ne s'est jamais approché des villes, ce qu'il en sait est
limité au fait que les cités sont désormais logées dans les airs,
approvisionnées en eau par des conduites qui jalonnent le sol et
pompent toute la ressource. Les quelques milliers d'hommes et de femmes
condamnés à vivre en périphérie, en bas, ne rêvent que de passer la
frontière pour monter là-haut. Jarri s'est bien gardé de les imiter,
jusqu'à ce jour maudit où un camion météo, programmé pour déclencher
des orages et faire tomber la pluie, décime son troupeau en promenant
la foudre sur son passage. Dès lors, Jarri jure de se venger. Son
chemin vers la ville va croiser celui d'une faction de rebelles guidés
par le Grand Kam et sa fille Korienzé. Leur but est de détruire la tour
Réseau, qui pilote l'ensemble du système. On dit que la tour
renfermerait une entité immense qui dirigerait la totalité du réseau,
« une forme de vie supérieure qui se cacherait aux yeux des
humains ». Le Grand Kam rêve de détruire la tour, Jarri de
retrouver sa mère, Korienzé de venger son père emmené par les
soldats... chacun apportera sa contribution. Jarri parle le langage des
dinosaures, et cette connaissance va lui être précieuse :
l'espèce, autrefois alliée aux hommes par un pacte tacite, s'est
adaptée aux conditions de vie difficiles créées par l'assèchement des
eaux terrestres. Elle est désormais prête à s'allier aux rebelles qui
cherchent à saboter le système pour retrouver un mode de vie plus
proche des éléments. Car ce n'est pas parce que les intentions du
système sont bonnes (« contrôler toutes les ressources des
hommes... et leur mémoire... afin qu'ils évitent de détruire le reste
de vie sur cette terre. ») que le résultat est bon. On peut
construire une tyrannie avec des objectifs louables, à partir du moment
où l'on prétend savoir à la place de ceux qu'on représente ce qu'il
leur faut...
Cette bande dessinée d'anticipation aux ambiances
soignées (mise en couleur de grande qualité signée Florence Breton)
fait parfois penser à Peeters, Schuiten ou Enki Bilal. Elle déploie un
univers soigné dont elle dévoile progressivement les différentes
strates et leur agencement, pour laisser ouverte une réflexion sur le
libre-arbitre, l'organisation sociale et la gestion des ressources
naturelles. Des doubles-pages d'une grande force visuelle jalonnent
l'album, ainsi que des rappels graphiques qui font sens (trois pages de
photomatons de femmes soldates connectées à leur écran, vues à travers
un casque de réalité virtuelle, à donner le tournis...) L'univers
graphique soigné est l'atout principal de cet album, lisible dès la 3e
mais à proposer plutôt en lycée et LP.
Références :
Negalyod / Vincent Perriot. Casterman, 2018. 978-2-203-15237-3. 25 €.
© Editions Casterman S.A./ Vincent Perriot
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