Un monde un peu meilleur

Le retour de Lapinot est une aubaine pour les fans de l’humour décalé de Lewis Trondheim, autant qu’une légère inquiétude : aimerons-nous toujours notre héros aux longues oreilles et sa bande ? Et comment revient-il, après avoir été tué dans un accident de voiture par son créateur en 2004 (« La vie comme elle vient ») ? Les réponses à ces questions sont simples comme le retour d’un vieil ami. Il revient comme s’il n’était jamais parti, en devisant de la mort et de l’existence possible d’univers parallèles avec ce lourdaud de Richard. L’affaire étant expédiée en quatre cases, on rentre dans le vif du sujet, et on retrouve tous les personnages familiers, ayant avancé dans la vie : séparations, cancer, déménagement à l’étranger… Mais nous sommes bien dans ce présent-ci, car cette nouvelle aventure mêle des thèmes fort actuels : télé-poubelle, réseaux sociaux qui cannibalisent notre vie privée, guerres de gangs et terrorisme, pas de risque de se tromper d’époque. Avec un petit goût de science-fiction, quand Lapinot et Richard font la rencontre d’un homme qui, servant de cobaye à des laboratoires pharmaceutiques, se retrouve en proie à des visions terrifiantes : les médicaments qu’il prend lui permettent de savoir si une personne ment ou est sincère, et surtout de voir les auras de ses congénères, qui trahissent leur personnalité profonde.

Mêlez tout ça à une altercation dans la rue avec un personnage fort peu recommandable, saupoudrez d’humour absurde, et vous retrouverez la petite musique de Lapinot comme si vous ne l’aviez pas quitté. Et ça, dans les petits riens dont Lewis Trondheim s’est fait une spécialité. Comme par exemple cet épilogue dans lequel Lapinot et Cléa, rencontrée via l’appli trop géniale trouvée par Richard, échangent leurs tee-shirts parce que chacun trouve que l’autre est mal habillé. Richard, parti leur chercher des glaces, entre en pleine confusion : « ah, flûte ! C’est lequel de vous deux, Lapinot, déjà? » Quant au titre de l’histoire, il fait écho aux préoccupations de nos héros : comment rendre vivable notre société en proie aux fanatiques, aux terroristes médiatiques… ? « En tous cas, moi, je rends le monde un peu meilleur » (Richard) « Tu rendrais le monde meilleur si tu divisais par deux toutes tes formes d’initiatives » (Lapinot).
On peut faire la connaissance de Lapinot par cet album, quoi que ce soit un peu dommage, mais chaque aventure se lit indépendamment des autres. C’est peut-être aussi l’occasion d’acquérir un ou deux tomes de ces délicieuses histoires, pour les collégiens comme pour les lycéens (LP et lycées) - « Slaloms », « Blacktown », « Vacances de printemps » par exemple.

Un monde un peu meilleur (Les nouvelles aventures de Lapinot) / Lewis Trondheim