Momo / Jonathan Garnier, Rony Hotin

Couverture de l'album
    Avec ses grands yeux écarquillés et ses bottes bleues, avec ses cheveux en pétard et son air candide dans une esthétique qui rappelle à bien des égards l’univers de Myazaki, Momo a tout pour faire craquer petits et moins petits. C’est une petite fille, quoi qu’on ait tendance à la voir en garçon, que sa grand-mère accueille tant bien que mal pendant que son père travaille : lui est un marin qui part pour des missions de trois semaines. Momo n’a jamais connu sa mère, morte en accouchant d’elle. Le village du bord de mer est plein de choses curieuses et inquiétantes pour la petite fille. Le poissonnier avec sa grosse barbe qui l’accueille en la traitant de voleuse, le vieux fou édenté qui vit seul dans la forêt, la jeune rebelle Françoise avec son tee-shirt de Ninja et ses cigarettes, les loubards à mobylette et les autres enfants, qui sont de totales énigmes pour elle… Visiblement, Momo n’a guère eu l’occasion d’apprendre les codes relationnels, ni avec ses pairs ni avec des personnes d’autres générations. Et ce n’est pas sa grand-mère qui l’aide, dont on devine qu’elle fait partie de ceux à qui l’humour abrupt sert de paravent pour dire ce qu’il est difficile de mettre en mots :
« Oh, c’est sûrement Françoise, c’est une bonne fille mais elle a du caractère d’après ses grands-parents ! Elle te ressemblait petite, tiens !
- Ça veut dire que je serai jolie comme elle quand je serai grande ?
- Oh non… toi tu finiras petite et vilaine, comme ta grand-mère ! »

    Tant bien que mal, Momo entre en relation avec ceux qui l’entourent. On les sent attendris par elle, même si elle a, comme sa grand-mère, le don de dire précisément ce qu’on n’a pas envie d’entendre (à la bande à mobylettes, devant une Françoise manifestement un peu sensible au charme du chef : « Ben oui ! T’as les cheveux comme une banane alors t’es Banane ! Banane et sa bande de patates ! »)

    Comme les autres protagonistes de l’histoire, on met un petit temps à comprendre cette enfant, mais on s’y attache au point de se sentir curieusement démuni, avec tous les grands qui l’entourent, quand sa grand-mère lui fait finalement défaut… Un album attachant, coloré, lisible dès l’école primaire et pour le collège. Le deuxième tome est paru.




Références :
Momo / Jonathan Garnier, Rony Hotin. Casterman, 2017. 16,00 €. 978-2-203-09537-3.