Migrant / Eoin Colfer, Andrew Donkin, Giovanni Rigano


    « Vous qui qualifiez les étrangers d’« illégaux », vous devez comprendre qu’aucun être humain n’est « illégal ». C’est un contresens. Les êtres humains peuvent être beaux, voire très beaux, ils peuvent être gros ou minces, ils peuvent avoir raison ou tort, mais « illégal », comment un être humain peut-il être « illégal » ? »
Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix et rescapé de l’Holocauste.

    C’est une histoire comme on en lit beaucoup maintenant, non seulement dans les journaux, mais aussi dans les romans pour la jeunesse et a fortiori dans la bande dessinée. Une histoire tragiquement banale : Ebo se retrouve seul au village avec un vieil oncle alcoolique, son frère vient de partir pour l’Europe, à la recherche de leur sœur aînée, Sisi, qui a tenté le voyage la première. Dans la brousse du Niger, il lui semble qu’il n’y a aucun autre avenir pour lui que de retrouver Kwamé, la seule famille qui lui reste. Il se lance donc sur ses traces, avec comme premier horizon le dépôt de bus, dans l’espoir de retrouver son frère avant qu’il ne soit trop tard… Mais Kwamé n’est pas là, il est déjà plus loin. Alors Ebo continue son voyage, jusqu’à Agadez dans un premier temps, la grande ville aux portes du désert. Les deux frères se retrouvent, et récoltent, à force de travail acharné, de quoi poursuivre l’odyssée : l’argent pour prendre le camion qui traverse le désert. Ensuite, ce sera Tripoli, l’attente d’un passage sur un bateau pour traverser la Méditerranée. Et toujours, la crainte de se faire prendre, la nécessité de gagner de l’argent et de bien le cacher pour ne pas se faire dépouiller, la cruauté des passeurs qui n’hésitent pas à abandonner leur cargaison humaine en plein désert, la faim, la fièvre, et ce même but qui devient la dernière raison d’endurer et de continuer : là-bas… Ebo montera sur un canot avec Kwamé, mais tous les deux n’atteindront pas les côtes de l’Europe, au terme d’une traversée de pur cauchemar.
    On a déjà lu ces récits hallucinants, mais il reste utile de les mettre entre les mains de nos élèves, dès le collège. Eoin Colfer est un grand raconteur d’histoires, et le dessin qui alterne les ambiances de poussière aux ambiances marines est aussi fort que le texte. S’il rend compte avec précision de l’enfer que traversent les deux enfants, sa rondeur et ses couleurs atténuent légèrement la violence du récit et permettent de se rapprocher de ces personnages de fiction, représentant malheureusement fidèles d’une réalité terrible aux portes de notre continent. Réalité n’est pas fatalité, et favoriser la prise de conscience de nos élèves est peut-être une des clés pour amener un changement dans l'opinion et le désir d’agir pour améliorer ce monde ? Dès le collège, pour le LP et le lycée.



Références :
Migrant / Eoin Colfer, Andrew Donkin, Giovanni Rigano. Hachette, 2017. (Comics). 17,95 €. 978-2-01290-553-5.