Mattéo, troisième époque (1936) / Jean-Pierre Gibrat

Après les
tourments de la Grande Guerre et ceux de la Révolution russe,
Jean-Pierre Gibrat s'intéresse dans ce troisième volume à la période du
Front Populaire et de la guerre d'Espagne, entremêlant dans de nouveaux
épisodes les histoires de ses personnages aux soubresauts du monde.
Mattéo et son ami Paulin sont de retour à Collioure, pour goûter aux
joies des premiers congés payés. Ils sont accompagnés de la jolie
Amélie, l'infirmière rencontrée dans le deuxième tome, et de son
amoureux mal assorti, Augustin, que les idées communistes de ses
compagnons laissent très régulièrement perplexe. Mais dans la douceur
de ce séjour balnéaire se nichent de nombreuses épines...
La guerre d'Espagne en est une, que Léon Blum semble vouloir laisser
gagner à Franco, trahison amère dont Mattéo, avec sa dérision
coutumière, substitue la lecture à Paulin dans le journal par celle-ci
: « oui, ce n'est que justice, la bataille fut rude, la victoire
n'en n'est que plus éclatante. Maes, en emportant le 30e Tour de
France, signe une grande page... »
Les
retrouvailles avec Juliette en sont une autre, qui forcent Mattéo à
regarder en face cette vie emmêlée à la sienne : si Juliette a
quitté le château De Brignac après la mort de son mari, elle a continué
d'élever ce rejeton si détestable de suffisance aux yeux de Mattéo, son
fils Louis, qui est devenu un jeune homme. Et dont il découvre qu'il
est le père...
Trois semaines de vacances sont
vites passées, de concours d'accordéon en parties de pétanque, de
retrouvailles avec les amis restés au pays en petites provocations
quotidienne chez les notables des environs, qui cachent de bien peu
reluisants secrets sous la statuaire pesante de leur propriété. Mattéo
est fidèle à lui-même, ballotté par les événements, un peu plus amer
peut-être. Et comme les autres fois, c'est par la mer que se termine
l'histoire, comme un recommencement inattendu...
Jean-Pierre Gibrat reste fidèle à son style dans ce nouvel opus :
dessin réaliste, trait précis au plus près des visages (avec une
réussite plus grande pour les visages masculins que pour les visages
féminins, plus lisses et interchangeables, ici comme dans les autres
tomes), couleurs chaleureuses (une prédilection pour le rouge, couleur
de ralliement de ses héros). Le plaisir est visuel, mais aussi
littéraire, avec un style parfois lyrique assez reconnaissable. Son
sujet (Front populaire et guerre d'Espagne) autant que ses qualités
narratives et picturales en font un album à conseiller sans hésiter dès
la 4e/3e, au LP et au lycée.
Références :
Mattéo, troisième époque (1936). Jean-Pierre Gibrat. Futuropolis, 2013. 17 €. 978-2-7548-0115-7.