Marche ou rêve / Elric, Laurel


Couverture de l'album
    Harold a un chat noir, une vie paisible et une amoureuse jolie comme un cœur, bronzée, blonde garçonne et rieuse. Pourtant, Harold est préoccupé. A dix-neuf ans, tout de même, il ne devrait pas être puceau. Or, il a beau être amoureux, il n'y arrive pas... Claire fait tout ce qu'il faut pour le déculpabiliser et le détendre, mais rien à faire, leur première fois n'est encore pas pour ce matin. Surtout qu'Harold ne doit pas être en retard au train qui l'emmène chez sa grand-mère en Bretagne ! Il a beau venir tous les ans en vacances, elle lui reproche toujours d'être trop absent. Alors pas question de rater le rendez-vous annuel ! Lequel rendez-vous n'a pourtant rien de très glamour : la grand-mère, bien qu'attentionnée, n'est pas toujours avare de reproches et de doléances, le réseau est plein de trous (il faut grimper sur l'arbre planté au sommet de la colline pour pouvoir utiliser un téléphone portable), et Mogueric est un bourg plutôt tranquille. Même Jeanne, l'amie d'enfance d'Harold, lui est d'un faible secours : depuis qu'elle a monté avec deux copines un groupe punk, elle n'a plus guère de temps pour une balade à vélo...
    Ces vacances qui s'annoncent ternes comme il se doit seront pourtant initiatiques pour le jeune homme, à travers deux rencontres. La première, à l'épicerie, le met en présence d'un jeune garçon qui lui ressemble étrangement et qui se trouve porter le même nom de famille que lui. Troublé, Harold sonde sa grand-mère qui élude plusieurs fois la question avant de lâcher le morceau. Le père d'Harold, son fils à elle, a entretenu une double vie pendant plusieurs années, jusqu'à la naissance d'un enfant qui est son demi-frère, Alexandre, le jeune garçon croisé à l'épicerie. Quand le bébé est arrivé, son père a choisi. Il est parti en Égypte avec sa nouvelle famille, ne donnant plus de nouvelles à sa première femme, pas plus qu'à sa mère qui supportait mal que la nouvelle femme soit d'origine étrangère. Troublé, Harold fait la connaissance d'Alexandre, qui était au courant de son existence. Il découvre qu'ils partagent tous les deux la même rancœur contre un père qui n'a pas su aimer ses femmes ni ses enfants... La deuxième rencontre des vacances d'Harold a des cheveux roux, des formes pleines et un sourire dans les yeux. Elle s'appelle Mathilde, se cherche un chat qui pourrait lui capturer des souris pour nourrir son serpent, et entend profiter de la vie sans se poser de questions superflues. Avec elle, Harold aura sa première fois, et même les suivantes, parce que c'est tout simple d'être bien. Et comme cet été est initiatique, un autre événement attend encore le jeune homme tranquille avant son départ...

    Ligne claire et couleurs franches, cette bande dessinée prend le parti de traiter de façon simple des questions qui sont loin de l'être. La vie est pleine de problèmes – ou peut-être pourrait-on dire que la vie est un problème ? - l'important, semblent nous dire les auteurs, est de poser sur cette vie un regard qui, s'il s'étonne parfois, tolère et accepte. Tel le regard des nombreux chats qui peuplent le récit, yeux ronds et clairs, parfois voilés et finalement paisibles. Un album faussement innocent, donc, à mettre entre les mains des lecteurs les plus mûrs en lycée et LP, pour faire écho à des questions qu'ils se posent sans doute à l'heure du passage à l'âge adulte.


Références :
Marche ou rêve / Elric, Laurel. Dargaud, 2011. 12,95 €. 978-2-5050-0817-0.