Elle s'appelle Ryô, elle est lycéenne, seule et renfermée sur
elle-même. Elle regarde les autres vivre, n'osant se mêler à leurs
conversations, toujours en décalage depuis ses premières années
d'école. Elle est la seule de son lycée à posséder une montre, car elle
n'a pas de portable. Elle se contente d'observer les autres, dans les
couloirs, dans le bus, occupés à entretenir leurs liens par le biais de
leurs téléphones. Ryô n'a pas de portable. Elle s'en imagine bien un,
blanc, lisse et brillant, mais il n'existe que dans son esprit.
Un jour, ce téléphone imaginaire sonne. A l'autre bout du fil, la voix
d'un garçon. Bouleversée, Ryô raccroche, trop surprise pour accepter
l'idée que cet appel a bien eu lieu. Pourtant, Shinya va
rappeler ! Les deux adolescents commencent un dialogue
téléphonique qui n'existe dans leur tête : quand le portable de
Ryô sonne en cours, personne ne le lui reproche, car personne ne
l'entend... D'autres interlocuteurs répondent au téléphone imaginaire
de Ryô, l'amenant à accepter cette étrange forme de communication. Tous
ceux qui possèdent un téléphone intérieur peuvent ainsi entrer en
relation, même si le portable ne transmet que la voix intérieure et
aucun bruit du dehors. La seule limite est le décalage temporel :
ceux qui entrent ainsi en communication ne sont pas forcément dans le
même espace temporel. Ainsi, Shinya et Ryô ont-ils une heure de
décalage horaire : pendant que lui commente le coucher du soleil,
elle lui décrit la nuit tombée. Malgré ce décalage, il est possible à
ceux qui se parlent dans leur tête de se rencontrer pour de vrai. Au
fil de leurs échanges, Ryô et Shinya se laissent tenter par cette
possibilité. Mais il est toujours dangereux de jouer avec le décalage
temporel...
La série Mad World est
l'adaptation manga de nouvelles écrites par Otsuichi, qui ont toutes
pour protagonistes des individus fragiles, que la société japonaise
contemporaine met en difficulté (enfants abandonnés ou maltraités dans
leur famille, adolescents solitaires...) Cette nouvelle-ci plaira aux
collégiennes (ainsi qu'aux lycéennes, notamment au lycée professionnel)
par son orientation clairement sentimentale. Il ne se passe pas grand
chose dans Inner Voices,
mais la mue difficile des personnages crée une empathie certaine. Et
même si la traduction comporte quelques imperfections orthographiques,
le dessin plutôt agréable et la singularité du ressort dramatique
suffisent à conseiller cette série dès le collège.