Le mari de mon frère, 1 / Gengoroh Tagame
Yaichi élève
seul sa fille, ce qui n’est pas tous les jours évident mais est
facilité par sa situation de rentier, s’occupant de la location d’un
appartement hérité de ses parents. Sa vie bien ordonnée est bousculée
par une visite inattendue qui ravit la petite Kana : « moi,
je suis Mike Flanagan, et je viens du Canada. » « Au Canada,
j’ai épousé le frère de ton papa. Et donc, je suis ton oncle. »
Yaichi avait en effet un frère jumeau que Kana n’a pas connu, car ils
ne se parlaient plus quand elle est née. Mike est revenu au Japon à la
recherche des souvenirs de Ryôji, qui est décédé. Il tient à rencontrer
Yaichi, car Ryôji lui a raconté leur complicité d’enfance. Il veut
découvrir les lieux dont son amoureux lui a parlé, et rencontrer le
frère jumeau qui a partagé ses souvenirs. Yaichi est mal à l’aise avec
ce colosse canadien qui débarque chez lui, et sans doute avec l’idée de
l’homosexualité de son frère : leur éloignement ne date-t-il pas
du coming out de Ryôji ? Il ouvre pourtant la porte de sa maison à
ce beau-frère et lui fait visiter sa ville natale. Kana, elle, est
beaucoup plus à l’aise que son père, et ravie d’avoir un oncle
canadien. Avec sa candeur d’enfant, elle n’hésite pas à poser les
questions que son père n’ose pas formuler : « Dis Mike, entre
Ryôji et toi… c’était qui le mari et qui l’épouse ?
- L’épouse,
c’est une femme, non ? Et le mari, c’est un homme ? Ryôji et
moi, nous sommes tous les deux des hommes. Et donc, je suis le mari de
Ryôji… Et Ryôji était aussi mon mari. »
D’ailleurs, les enfants se posent moins de problème que les adultes :
« Pourquoi ils se sont mariés ?
-
Tomo, t’es bête ou quoi ?! C’est évident que c’est parce qu’ils
étaient amoureux ! » échangent les amis de Kana au
square. Dans le regard clair de la petite fille passent les sentiments
tout simples qui lient les gens qui s’aiment, quelle que soit leur
situation (celle de son père n’est peut-être d’ailleurs pas plus simple
que ne l’était celle de ses oncles…) Ce précis de tolérance bat en
brèche les discriminations de genre autant que de culture (et dieu sait
qu’il y en a entre l’Asie et l’Amérique). Il adjoint à son intrigue
deux encarts documentaires sur l’histoire des discriminations
homosexuelles. Une série utile, au trait clair et efficace, dès le
collège, au LP et au lycée.
Références :
Le mari de mon frère, 1 / Gengoroh Tagame. Akata, 2017. 7,95 €. 978-2-36-974154-1.