Le magasin des suicides / Olivier Ka, Domitille Collardey

La famille
Tuvache est en émoi : depuis des années, le Magasin des suicides
tient son rang de maison honorable. Carrelage de Delft à l'ancienne,
bel éclairage de morgue au plafond, un air propre et puis du
choix ! Nœuds coulants, cyanure, terre d'arsenic, pétales de
digitales, baies de houx noir, serpents trigonocéphales, napalm,
tanto... ici on trouve tout ce qu'il faut pour les clients qui veulent
en finir avec la vie. On vous accueille sans sourire, on vous souhaite
le grand soir en vous disant adieu. Service irréprochable et produits
de la meilleure qualité, la maison Tuvache entretient sa réputation.
Mais voilà que le petit dernier, arrivé accidentellement le jour où les
parents Tuvache ont voulu tester un de leurs produits (les préservatifs
« m'en fous la mort », garantis poreux, pour les gens qui
veulent mourir de maladie sexuellement transmissible), ne cause que
honte à ses parents. Tout petit déjà, Alan avait un problème. Dans son
berceau, il souriait ! (« personne n'a jamais souri dans la
famille Tuvache ») Évidemment, ça ne s'est pas arrangé en
grandissant, et le petit bonhomme qui chante, qui fait des compliments
à sa sœur et des dessins pleins de couleurs emplit les pages grises de
ses cheveux flamboyants.
Tandis que ses
parents s'arrachent les cheveux, que sa sœur retrouve un peu de flamme
en s'inoculant le Death Kiss, un produit inoffensif pour elle mais qui
fait mourir tous ceux qu'elle embrasse (et relance d'un coup l'activité
du magasin), que son frère nourrit de grands projets de parcs à thème
morbide, Alan poursuit son chemin dans la vie. Parfois un peu dévié de
sa route, quand son père l'expédie en stage
« commando-suicide ». Juste à peine, le temps de réjouir ses
camarades, de faire exploser le stage et d'être renvoyé...
Comme dans le roman dont cette bande dessinée est adaptée, la fin de
l'histoire est une chute inattendue, qui remet l'ensemble dans une
autre perspective. L'adaptation est réussie, avec un jeu de contraste
entre les décors et les personnages en camaïeu de gris et marrons, et
les traces de couleurs, d'abord disséminées puis plus fréquentes,
répandues par Alan. Que l'on ait lu ou pas le roman, on se plongera
avec plaisir dans cette fable cruelle et tendre qui fait l'apologie de
la vie en parlant de toutes les manières d'en finir. Pour collégiens et
lycéens.
Références :
Le magasin des suicides, d'après le roman de Jean Teulé. Olivier Ka, Domitille Collardey. © Guy Delcourt Productions, 2012. 14,95 €. 978-2-7560-2000-6.