Lou, 5. Laser Ninja / Julien Neel

Nous avions
quitté Lou, à la fin du précédent album, au bord de la piscine d'une
villa de rêve (quoiqu'un peu biscornue), balançant toujours entre les
bras de Paul et ceux de Tristan. L'ambiance festive de cette fin d'été
est douchée par deux événements inattendus : l'immeuble où vivent Lou,
sa mère et Richard (le nouvel amoureux) part en fumée, et avec lui
toutes les affaires de la famille, y compris le journal intime de Lou.
Dans les décombres fumants, la maman de Lou fait une annonce : elle est
enceinte de Richard. Stupeur du futur père, qui trouve que c'est un
drôle de moment pour une telle annonce, et joie de tous les voisins
rassemblés derrière le cordon de sécurité (« c'est la fille du
quatrième, il paraît qu'elle est enceinte ! »)
Julien Neel conserve dans ce cinquième opus la forme
utilisée jusqu'alors : les pages s'enchaînent par effet de miroir, le
thème de l'une faisant écho à celui de la précédente. Cette fois-ci
pourtant, ce ne sont pas les points de vue de Lou et de sa maman qui
sont mis en regard, du moins pas directement : les planches racontant
les expériences de notre héroïne sont mises en parallèle avec les pages
du journal intime de sa maman, sauvé de l'incendie et dans lequel Lou
s'est plongée. Sourire au passage, quand on découvre le contenu de la
valise de secours toujours prête, (« avec les trucs vraiment
importants ») seule rescapée des biens de la famille grâce à la
prévoyance de la mère de Lou : « une brosse à dents, une Gameboy
micro, six culottes propres, mon journal intime de quand j'étais ado,
l'intégrale de Queen, des chips au vinaigre, la machine à faire des
badges... » Sourire également, quand on découvre quel usage les
amoureux font du jacuzzi de l'hôtel, ou l'épisode du montage des
meubles suédois en kit dans la nouvelle maison... Gravité aussi, quand,
avec l'avancée en âge de Lou (elle a maintenant quatorze ans), on
aborde des thèmes moins anodins. La filiation, notamment, avec ses
cahots, que reflète le journal intime dans lequel la mère de Lou
recopie la lettre qu'elle laisse à ses parents le jour où elle décide
de quitter la maison pour faire sa vie ailleurs : « Je pars. Je
fuis. Je m'évade presque. Chacun de mes pas brise un peu plus la chaîne
qui m'entrave à cet endroit. Je pars vers l'inconnu, vers le beau, le
soleil, les lumières de la ville. Et rassurez-vous, je sais que je peux
m'y brûler les ailes. Vous ne m'avez que trop bien mise en garde, trop
bien transmis votre peur des choses déraisonnables. Je pars justement
me briser avec délices sur ces choses déraisonnables. J'éprouve votre
peur, mais je suis submergée simultanément par l'immense vague d'un
bonheur qui vous a sans doute terriblement manqué. Je pars et je vous
aime. Je voudrais que l'on ne se fâche pas de trop. J'hérite de vous
une forme de courage obstiné et un bon sens instinctif. Je vous
remercie de ces dons magnifiques. Ayez confiance en moi. Je ne vous
décevrai pas. »
Cette gravité se retrouve dans les péripéties du
scénario, confrontant Lou, à mesure qu'elle grandit, à des questions de
moins en moins candides. L'humour de Julien Neel est toujours présent,
ainsi que son trait vif et coloré, et son regard espiègle sur
l'adolescence et la famille. Mais ce tome est incontestablement moins
léger que les précédents. Ce qui n'altère pas son intérêt pour nos
adolescents, au contraire ! La série conserve toute sa place dans les
bacs, au collège surtout, mais aussi pourquoi pas en LP et lycée.
Références :
Lou, 5. Laser Ninja / Julien Neel. Glénat, 2009. 9,95 €. 978-2-7234-6788-9.