Les larmes de l'assassin / Thierry Murat


Couverture de l'album
    Cet album est sous-titré : « librement adapté du roman de Anne-Laure Bondoux », ce qui rend assez bien compte de la réalité. La trame du roman est là, ainsi que l'ambiance tendue et le décor aride de ces terres de l'extrême sud du continent américain. Pourtant on n'est pas ici en présence d'une adaptation littérale.
    De l'histoire originale, Thierry Murat conserve l'ossature : l'arrivée d'Angel Allegria, l'assassin, dans la vie de Paolo, herbe folle qui pousse comme il peut dans le désert du sud du Chili. Leur relation, au départ contrainte, et qui s'approfondit au fil des années. L'arrivée de Luis, le voyageur empêché qui s'amarre chez eux quelques temps, jusqu'à ce que la famine les pousse vers la ville, où Angel est recherché par toutes les polices de Talcahuano, de Temuco et de Puerto Natales. A partir de là, l'adaptation simplifie largement, insistant sur la rivalité entre Luis et Angel, gommant la complexité qui pousse finalement à la découverte d'Angel par la police. L'album a de de grandes qualités, mises en avant par Anne-Laure Bondoux ; son efficacité visuelle surtout, mais aussi le choix des textes qui accompagnent les images, mélange des mots du texte original et de ceux de Thierry Murat. L'univers graphique qu'il choisit pour cette adaptation s'impose avec évidence : les noirs et blancs, gris et sepia, les à-plats contrastés d'un dessin parfois tout juste esquissé traduisent bien le monde que suscite la lecture de ce roman, fait d'obscurité, de lumière aveuglante sur les cailloux d'un paysage désolé. Les quelques scènes de rue au marché sont également bien rendues, mettant en miroir le flot mouvant des hommes qui se pressent sur le marché et le dos ondulant des moutons dans leur enclos. Certains choix d'adaptation sont également bien vus, par exemple lorsqu'Angel, Luis et Paolo, fuyant la ville, rencontrent deux étrangers à qui ils vont « emprunter » leurs chevaux : chacun des deux hommes « changea brusquement de tête et troqua son sourire contre un regard inquiet. Angel Allegria avait sorti son couteau... »
    Pourtant, les Larmes de l'assassin version BD résonnent beaucoup moins profondément que le roman. D'abord parce que l'histoire, trop simplifiée, laisse de côté une grande partie des développements qui font sa richesse (surtout à partir du retour vers la ville). Ensuite parce que les rapports entre les personnages ont eux aussi perdu une grande part de leur profondeur par souci de simplification (le personnage de Luis, notamment, est assez différent de ce qu'il est dans le roman). La relation entre Angel et l'enfant, tissée à force de temps, de silences, de mots aussi, perd de sa complexité. Enfin parce que, même s'il en reste quelques éclats dans l'album, l'écriture d'Anne-Laure Bondoux n'est pas rendue dans toute sa force. Ainsi, l'uppercut que représente, dès les premières pages, l'assassinat sans aucun mobile par Angel des parents de Paolo, perd ici largement de sa vigueur, de la même manière que le chagrin sans fond que suscite chez l'enfant l'arrestation et la condamnation à mort d'Angel...
    Reste que Les Larmes de l'assassin, œuvre majeure de la littérature de jeunesse de ces dernière années, est un incontournable des fonds de CDI de collège, mais aussi de LP et de lycée. Son adaptation en BD est donc également à faire lire à nos élèves, ne serait-ce que pour leur donner l'envie d'ouvrir le roman...


Références :
Les larmes de l'assassin /  Thierry Murat, Anne-Laure Bondoux. Futuropolis, 2011. 18 €. 978-2-7548-0360-1.