Légendes de la Garde, automne 1152 / David Petersen


Couverture de l'album
    « Nous autres, souris, sommes bien mal loties en ce monde. Nombreux sont nos prédateurs. Nous construisons nos villes en des lieux sûrs et dérobés, sous la roche affleurante, la racine noueuse ou le riche terreau. Nous survivons ». Des croquis griffonnés dans un carnet et laissés en l'état le temps que mûrisse ce projet, David Petersen a tiré les épisodes rassemblés dans ce volume des Légendes de la Garde. Le petit peuple des souris vit caché dans des villes aux fortifications naturelles (Lockhaven est taillée dans la pierre, Barkstone est sculptée dans le tronc d'un caroubier adossé à la roche). Cette société médiévale est guidée et protégée par la Garde, depuis que cette dernière a remporté les Guerres d'Hiver et renversé le tyran Furet. Les membres de la Garde servent d'escorte, d'éclaireurs, de « guetteurs d'orages ». Ils protègent les frontières, ouvrent de nouveaux passages et veillent au bon acheminement des marchandises entre les villages.
    En cet automne 1152, un marchand de grain a cru bon de se passer des services de la Garde, empruntant seul la route de Rootwallow à Barkstone. Il n'a jamais atteint son but, et trois des meilleurs éléments de la Garde, Saxon, Kenzie et Liem, sont à sa recherche. Parallèlement, Sadie, autre membre de la Garde, est envoyé aux nouvelles : Conrad, de son poste avancé, ne donne plus signe de vie depuis quelque temps. Chacun de son côté va découvrir que la Garde est en danger : un traître a divulgué le plan de Lockhaven, cité de la Garde. Quelqu'un nourrit des intentions malveillantes contre l'organisation qui régit est assure la sécurité du peuple des souris. Mais qui ? Et pourquoi ?

« On peut lire les indices
Des changements de temps
Dans la terre, les feuilles, les nuages et le vent
Mais il est dans la vie des tempêtes
Que nul ne saurait prévoir. »

    Il y a bien un traître, caché au sein de Lockhaven, et qui a usurpé l'identité de la célèbre Hache Noire, chevalier mythique qui eut raison des « cinq serpents qui cernaient tout ce qui est ». Il a décidé de soulever une armée pour défaire la Garde et prendre le pouvoir. Mais c'est compter sans le courage et l'abnégation des membres de l'Organisation... Le Bien vaincra, et le traître sera épargné pour ne pas en faire un héros, mais condamné à l'exil.

    Cet album au format atypique attire par la qualité de son graphisme et de sa mise en couleurs, autant que par l'originalité de son point de vue : quelle drôle d'idée que de se placer à hauteur de souris ! Il y a certes des précédents célèbres (je pense notamment à Maus), mais dans le cas présent l'animalité n'est pas un postulat de narration, plutôt une volonté de plonger dans le monde animal, quoi que largement humanisé. Les personnages sont confrontés à des conditions de vie de souris, et particulièrement à leurs prédateurs. Les scènes avec le serpent, notamment, sont très réussies et plutôt impressionnantes. Les amateurs de la geste chevaleresque y trouveront aussi leur compte, avec une appropriation réussie des codes du genre. Ceux qui apprécient un dessin soigné seront également contentés : le trait, presque naturaliste, est une des grandes qualités de cet album, avec une mise en couleurs fauve tout-à-fait réussie. Aventures chevaleresques à mettre entre toutes les mains de lecteurs dès le collège, au LP et au lycée.


Références :
Légendes de la Garde, automne 1152 / David Petersen. Gallimard, 2008. 978-2-07-061619-0. 18,50 €.