Jean-Loup / Benoît Frébourg

Après une
sortie enthousiaste des murs d'une école aux allures de prison, le
jeune Jean-Loup dégringole brutalement du nuage de félicité sur lequel
l'a perché l'arrivée des grandes vacances. Cette année, pas de colonie
ni de vacances avec papa et maman : le petit homme passera son été en
Normandie, chez papi et mamie Toussaint. Qu'il ne connaît même pas. En
Normandie. Où il pleut tout le temps. Brutal désenchantement
(« M'en fous, j'irai pas »), suivi d'un rapide bouclage des
bagages, d'une montée dans un bus improbable, d'une après-midi
d'attente au café du coin (comment ça, il était prévu que mamie vienne
le chercher ?) Renseignements pris, il semblerait que Jean-Loup doive
se débrouiller par ses propres moyens pour rejoindre la Maison dans
l'ombre, où habitent ses grands-parents. Curieuse maison, à l'intérieur
de laquelle la neige tombe sans désemparer depuis plusieurs jours
(rendant possibles de formidables descentes en luge dans l'escalier).
Curieuse grand-mère, qui cuisine la tarte aux petits-pois au chocolat,
qui écoute ce que les arbres ont à dire (« Jean-Loup, mon petit,
fais un pas de côté, s'il-te-plaît. Tu faisais mal à de ce jeune frêne
en lui marchant sur la racine. Voilà, c'est mieux. Il te
remercie »). Curieux grand-père, Roi tout-puissant cloué au lit
par de mystérieuses douleurs que soigne avec patience son épouse.
Curieux village enfin, où les chèvres tremblent face à la créature qui
les menace : un loup, remonté du Mercantour par les bons soins de la
SNCF ?
Face à l'étrange, le parti-pris de l'auteur est
celui de l'humour et de l'ironie. C'est la protection des habitants du
village quand les rumeurs au sujet de la Maison dans l'ombre sont
légions. Pourtant, la jeune Rosanne (Rose-âne ?) accepte de risquer sa
peau pour se faire un nouvel ami, et suit Jean-Loup quand il l'invite à
goûter chez ses grands-parents.
Comme on pouvait s'y attendre, les lettres que
Jean-Loup envoie à ses parents prennent vite un tour enthousiaste, quoi
que ne reflétant pas forcément toute la réalité. Ce qui est plus
étonnant, c'est ce qu'on découvre petit-à-petit : oui, les arbres
parlent. Il s'en trouve même pour être fâchés depuis 350 ans sur la
question de savoir qui est plus haut que son voisin. Oui, mamie
Toussaint est le genre de grand-mère qui provoque des averses de neige
quand elle secoue son torchon. Et surtout oui, il y a bien un loup qui
hante les bois alentours, et de la plus terrible espèce, puisqu'il
s'agit d'un loup-garou... C'est peu dire que Jean-Loup va rentrer
transformé de ses vacances !
Ce petit format hyper coloré est parfaitement
surprenant. Après avoir présenté les bizarreries les plus improbables
comme des fantasmes irrationnels, il nous les fait admettre l'une après
l'autre, en douceur, à l'image de son petit héros. Au bout du compte,
une histoire fantastique doucement drôle et tendre, un genre d'ovni que
fait du bien, à proposer aux lecteurs en collège et bien au-delà !
Références :
Jean-Loup / Benoît Frébourg. Delcourt, 2010. 978-2-7560-2006-8. 14,30 €.