L'île aux cent mille morts / Fabien Vehlmann, Jason, Hubert


Couverture de l'album
    Sur une plage, la mer apporte et remporte une bouteille contenant une carte. Du haut d'une falaise, un homme jette à la mer des dizaines de bouteilles contenant des cartes. Gweny est moche, elle a une mère qui est folle, et elle vient tous les matins sur la page chercher une carte qui lui indiquerait où est allé son père, disparu cinq ans auparavant à la recherche d'une île au trésor. Il se trouve que Gweny a mis la main sur ce qu'elle cherchait : la carte de l'île aux cent mille morts, pour laquelle son père s'est embarqué il y a si longtemps. Elle débauche à la taverne du port un équipage de pirates prêts à tenter l'aventure et les convainc de l'emmener avec eux. Elle déniche au sein de l'équipage un maillon faible dont elle s'assure le soutien par une petit chantage maison : « je connais ton secret (…) j'ai tout raconté à un ami en ville ! Si je ne reviens pas vivante d'ici trois mois, il a pour consigne de révéler ton secret à tout le monde, en commençant par la taverne ! Si tu veux sauver ton honneur, tu ferais mieux de veiller sur moi pendant tout le périple. Compris ? » Cette petite précaution n'est pas inutile, les intentions des pirates à l'égard de Gweny n'étant, on s'en doute, pas angéliques. Dès que l'île est en vue, Gweny et son protecteur débarquent en douce, bientôt recherchés par les pirates... qui n'ont pas le temps d'aller loin, capturés sans sommation par un commando d'hommes encagoulés. Il faut dire que l'île aux cent mille morts porte bien son nom, comme on le découvre rapidement : elle est le siège d'une florissante École des bourreaux, qui consomme beaucoup de matière première pour ses travaux pratiques. Que ce soit dans la Section 1, celle des Hautes Œuvres, où l'on apprend à exécuter proprement les condamnés, ou dans la Section 2, celle des Basses Œuvres, où l'on pratique la torture sous toutes ses formes, il faut de la chair humaine pour que les élèves bourreaux puissent s'entraîner. Bien sûr, il existe une Section Recherche et développement, mais les techniques les plus prisées restent les techniques traditionnelles : étranglement, décapitation, bûcher...

    Comme souvent chez Fabien Vehlmann, un jubilatoire cynisme est de mise. Petit exercice proposé aux élèves : « étant entendu que la lame pèse trente kilos (…) calculez combien de temps s'écoulera entre le déclenchement du couperet et la décollation du condamné. » On retrouve aussi ce plaisir à imaginer le pire dans la collaboration entre Gweny et le marin borgne, qui donne de sa personne pour aider la gamine parce qu'il est persuadé qu'elle a le pouvoir de ruiner son honneur. Jusqu'au moment de la fuite quand, ayant trouvé ce qu'elle cherche, ils s'apprêtent à quitter l'île et qu'il tombe dans des sables mouvants. Elle tente vaguement de le secourir avant de l'abandonner là en lui révélant que personne (pas même elle) ne connaît son secret... Toutes ces horreurs, racontées avec le plus grand détachement, sont illustrées de vignettes statiques qui contrastent drôlement par un graphisme enfantin et coloré. Le pire est toujours sûr, mais il est rendu par un trait stylisé et des ambiances de couleurs contrastées. Un album à lire au second degré pour le pur plaisir du jeu de massacre « pour de rire », et qui s'adresse aux collégiens comme aux lycéens (lycée et LP).


Références :
L'île aux cent mille morts / Fabien Vehlmann, Jason, Hubert. Glénat, 2011. (1000 feuilles). 15,00 €. 978-2-7234-7679-9.