Intempérie / Javi Rey, d’après le roman de Jesus Carrasco

Pour nous, lecteurs originaires des climats tempérés, l’intempérie
évoque surtout l’humidité, la pluie… Mais il est des contrées où c’est
le soleil qui constitue la principale intempérie. Celle où a grandi
Jesus Carrasco, dans le sud de l’Espagne, et qui sert de théâtre, sans
être clairement localisée, à cette histoire dans laquelle les hommes
ont le coeur aussi sec que les cailloux qui poussent dans les champs.
Autrefois « une mer de céréales baignait la plaine. Les jours de
vent, au printemps, les épis ondulaient comme la surface d’un
océan ». Depuis, l’aridité a gagné, et plus rien ne pousse que des
oliviers noueux et quelques herbes folles.
C’est dans ce décor rugueux qu’on découvre un enfant, presque un
adolescent, qui prend la fuite, terré dans un trou pendant que les
hommes du village le cherchent. Il n’est pas grand-chose parce qu’on ne
l’appelle même pas par son nom. Il n’a qu’un père qui fera mine à sa
disparation d’avoir été frappé par le destin, et un bourreau, qui le
cherche pour d’inavouables raisons. « Il n’avait qu’une chose en
vue : marcher vers le nord. Que trouverait-il dans ce nord
absolu ? Peu lui importait. Il s’éloignait du village, de
l’aguazil* et de son père. Dorénavant, seule se déployait devant lui
une immense terre inconnue. » (* fonctionnaire de justice et de
police… un homme important au village). Survivre dans le désert est une
tâche ardue, que le jeune villageois n’a pas apprise. Le destin le met
sur la route d’un vieux berger solitaire, qui le soustrait à
l’insolation, à la faim et à la fièvre. Pourquoi s’occupe-t-il du jeune
garçon, cet homme qui n’a besoin de personne ? C’est une rencontre
qui va sauver l’enfant, au sens propre autant qu’au sens figuré, car le
vieil homme est le seul refuge d’humanité de l’endroit, malgré sa
rudesse.
Cette adaptation du roman
de Jesus Carrasco est un voyage sensoriel fort, par son découpage, par
le choix des couleurs tranchantes et des jeux de lumières. Il l’est
aussi par son trait, expressif voire expressionniste, notamment dans la
représentation des cauchemars de l’enfant, ou de bouches aux mauvaises
dents et longs traits de salive. Le récit est impressionnant par les
mots autant que par les images, et se clôt sur une rare parenthèse de
répit : « Un matin, tandis qu’il se reposait… il assista au
spectacle insolite qui se déroulait sur terre. Un lumière opalescente
détourait les objets, qui acquéraient une netteté inédite pour lui. Le
petit resta là tant que dura la pluie. A voir comment Dieu desserrait…
un moment… l’étau de son tourment. »
Références :
Intempérie / Javi Rey, d’après le roman de Jesus Carrasco. Dupuis, 2017. 18,00 €. 978-2-8001-7159-3.