La guerre des Lulus : 1914, la maison des enfants trouvés / Régis Hautière, Hardoc
La Grande
Guerre, que tant de publications évoquent ces derniers mois, vue à
hauteur d'enfant : c'est le projet de cette série recommandée par
l’Éducation nationale. Les Lulus sont quatre : Ludwig, Lucas,
Luigi et Lucien. A part leur prénom, ils n'ont qu'un point
commun : être orphelins. Ils vivent à Valencourt, à la maison des
enfants trouvés. Quand son ordre de mobilisation parvient à leur
instituteur, ils se retrouvent seuls avec les autres enfants de
l'orphelinat, sous la protection de l'abbé et d'un moine. Pourtant les
enfants ignorent que la guerre est déclarée, et poursuivent leur
vie : construction d'une cabane secrète dans les bois, recherche
du placard à confitures... Jusqu'à ce jour où la population de
Valencourt est regroupée par l'armée française pour être emmenée à
l'arrière : les Allemands sont passés par la Belgique et ne
tarderont pas à investir le village. Les Lulus manquent à
l'appel : ils étaient dans la forêt quand les soldats sont venus.
Ils ont bien aperçu de la fumée à l'horizon (quel horizon
d'ailleurs ? L’Amérique ? Non c'est de l'autre côté. Alors le
Japon?), mais quand ils rentrent à l'abbaye, il n'y a plus personne.
N'ayant pas d'explication rationnelle à leur solitude, ils se décident
à attendre le retour des habitants de la maison... et affrontent une
nuit de bombardements. Au matin, un nouveau sujet nourrit leurs
éternelles querelles : « si ça se trouve... on est des
fantômes » S'ensuit un débat qui rend assez bien la saveur de
leurs conversations habituelles :
« La différence, c'est qu'un ressuscité c'est un mort qui est re-vivant. Alors qu'un fantôme c'est un mort mort.
- Ah ? Et pourquoi un mort mort, ça existerait moins qu'un mort-vivant, alors ?...
- Parce que... Parce que... Tu en as déjà vu, toi, des fantômes ?!?
-
Ben non, vu que les fantômes on peut pas les voir sauf si on est des
fantômes. Mais justement, si ça se trouve, je vous vois parce qu'on est
tous morts et que je suis aussi un fantôme. (...)
- Et toi, si t'es un fantôme, t'es un fantôme vivant parce qu'un fantôme mort, il aurait pas eu mal ! »
Fantômes ou re-vivants, les Lulus doivent se rendre à l'évidence :
ils sont seuls, et ils ont faim. Passés les premiers moments
jubilatoires à profiter de leur liberté au café du village, ils
comprennent vite qu'ils vont devoir s'adapter en attendant le retour
des adultes. Consolider leur cabane, trouver des provisions, affronter
l'hiver... Vivre en marge du monde qui semble les avoir oubliés.
Cette
fable est nourrie d'images fortes (les couleurs du rouge-gorge qui
chante au matin sur les décombres font un écho délicat aux rougeoiement
des tirs d'artillerie dans la nuit) et de dialogues savoureux
(« Tu te rappelles la chanson qui faisait peur ? Celle que le
maître voulait qu'on chante en canon ? » « Allons
enfants ? Avec les féroces soldats qui viennent pour égorger nos
villes et nos campagnes ? ») Elle aborde avec un regard
singulier cette guerre qu'on commémore, regard tendre, grave et
impertinent. Une lecture justement mise en avant par le ministère, qui
peut être proposée dès le collège, en LP et lycée.
Références :
La
guerre des Lulus : 1914, la maison des enfants trouvés / Régis
Hautière, Hardoc. Casterman, 2013. 12,95 €. 978-2-203-03442-6.