Fraternity, 1 / Juan Dias Canales, Jose Luis Munuera


Couverture de l'album
    Nous sommes en 1863, quelque part aux États-Unis, dans l'Indiana. Un riche visionnaire, Robert Mc Corman, tente de faire perdurer une utopie, créée avec une poignée d'autres idéalistes : une communauté indépendante appelée New Fraternity. Fondée sur des principes égalitaristes (abolition de la propriété privée, abandon de la religion traditionnelle et du couple conventionnel), la colonie résiste tant bien que mal aux aléas économiques et aux dissensions internes, particulièrement entre ceux qui produisent (ceux qui travaillent la terre notamment, et les ouvriers de l'usine) et ceux qui réfléchissent. Une autre menace plane sur la colonie : il s'agit de la guerre qui déchire alors le nord et le sud du pays, chaque armée faisant pression sur New Fraternity pour obtenir son soutien, en hommes et en matériel. Il y a aussi les déserteurs, qui réclament asile à la colonie.. Fanny Zoetrope, qui enseigne aux enfants, et Robert Mc Corman, qui préside aux destinées de la communauté, ont fort à faire pour maintenir l'harmonie. D'autant plus que la situation matérielle est précaire, et que les superstitions rôdent, malgré le désir fondateur d'émanciper les hommes de leurs croyances stériles. Un enfant sauvage, retrouvé aux abords du village et baptisé « Émile », cristallise les peurs irrationnelles. Des soldats noirs réfugiés dans la colonie font sourdre un racisme larvé. Un labyrinthe naturel attire et effraie les enfants, qui croient qu'il faut avoir des pouvoirs spéciaux pour trouver son centre et en ressortir... Et par-dessus tout, malgré les affirmations des esprits forts, une créature surnaturelle rôde aux alentours de New Fraternity. Ce démon aux yeux brillants semble avoir un lien tout particulier avec Émile...
    Toutes ces menaces sont amplifiées par un climat oppressant, fait de brouillard et de pluie, de scènes nocturnes ou de demi-jour. On a l'impression de ne jamais sortir d'une nuit poisseuse, qui cristallise les tensions et oppose les acteurs de cette utopie moribonde. Leurs divergences pourraient suffire à mettre en péril la communauté, sans que des forces surnaturelles ne se liguent pour renforcer les conflits... Alors que la belle idée semble déjà moribonde, on attend avec impatience de savoir qui est exactement Émile, l'enfant sauvage qui n'a jamais parlé, et quelle est la créature qui le protège. Menace ou salut pour la colonie ?

    Jouant un moment avec les lisières du fantastique, l'album y plonge résolument avec l'apparition de la créature. L'ambiance suscitée par un dessin jouant sur les déformations tout en restant réaliste est très forte, scénario et image s'imbriquant parfaitement pour créer un récit tout en tension et dont le premier tome laisse (c'est le principe !) de nombreuses questions en suspens. Un album à recommander au LP et au lycée.


Références :
Fraternity, 1 / Juan Dias Canales, Jose Luis Munuera. Dargaud, 2011.  €. 978-2205-06740-8.