Le convoi / Eduard Torrents, Denis Lapière

1975.
Angelita est de retour à Barcelone, sa ville natale, qu’elle a fui en
1939 pour échapper à la guerre civile. Elle a été appelée au chevet de
sa mère, hospitalisée au cours d’un séjour professionnel. Angelita
n’est plus revenue dans son pays natal depuis trente-six ans, depuis
qu’elle est installée en France avec sa mère. Or, elle découvre un
homme au chevet de Julia : son père, qu’elle pensait mort depuis
leur fuite à travers les Pyrénées. Son père, qui a poursuivi sa vie
loin d’elle, et dans le secret le plus complet, entretenu une liaison
avec sa mère qui avait refait sa vie en France… Comment faire face à un
tel mensonge ?
Après tout ce temps, Manuel est prêt à
s’expliquer face à sa fille. Et à raconter cette histoire malheureuse
qui est arrivée à tant d’autres réfugiés catalans à la fin des années
1930… Son histoire à lui commence au début de la guerre civile
espagnole, par un désaccord profond avec Julia, sa femme. Elle lui a
obtenu un dossier médical pour qu’il échappe aux combats, lui veut
prendre sa place dans la lutte. Il accepte par amour pour elle et pour
Angelita, jusqu’à ce que la situation ne lui semble plus tenable. Il
décide alors d’accompagner sa famille en France avant de revenir se
battre en Espagne. Le voyage vers la France, par le col du Perthus, est
éprouvant, et le couple se défait. Ironie du sort, au passage de la
frontière, Manuel a décidé de rester avec Julia et sa fille, lorsque
les Français séparent les hommes des femmes. Angelita a huit ans, ils
ne se reverront pas pendant des décennies. Il est fait prisonnier,
s’évade, se retrouve au camp d’Angoulême, puis est déporté à Mathausen.
Quand le camp est libéré par les Américains, on lui attribue à tort une
identité belge. Il vivra dix années entre parenthèses dans ce pays qui
n’est pas le sien, avant de se décider à rentrer. Pendant ce temps,
Julia a refait sa vie, et annoncé à Angelita que son père était mort.
L’histoire
pourrait s’arrêter là, mais après de longues années d’absence, Manuel
reprend contact avec Julia, pour elle et pour revoir sa fille. Elle
acceptera de devenir sa maîtresse, lui accordant une semaine par an à
Barcelone, mais jamais de parler à Angelita de ce père retrouvé…
jusqu’à ce malaise au cours d’un séjour barcelonais.
Comment réparer les blessures profondes que l’Histoire imprime dans les
familles ? C’est une des questions que soulève ce diptyque, avec
celle du hasard et de la malchance. Ce faisant, il rend hommage aux
victimes civiles du franquisme, parfois broyées par la machine nazie
dans une double peine que l’Histoire a tendance à oublier. Ces deux
albums remplissent un devoir de mémoire, en liant un versant
documentaire (dessin ligne claire) et un versant romanesque qui capte
l’attention dès le départ. Une histoire qui intéresse les élèves dès la
4e-3e, au lycée et au LP.
Références :
Le convoi / Eduard Torrents, Denis Lapière. Dupuis.
1. 2013. 15,50€ . 978-2-8001-4925-7.
2. 2013. 15,50€. 978-2-8001-5271-4.