Le chien dans la vallée de Chambara / Hugues Micol
Le Japon
médiéval est une source d'inspiration fréquente dans la littérature et
la bande dessinée, qu'il s'agisse de manga ou de BD occidentale. Cet
album (qui appartient à la deuxième catégorie) y puise la source d'une
histoire plutôt classique de vengeance à la Kill Bill. Son héroïne,
Maraki Zatu, est la jeune héritière d'un noble de province récemment
décédé. Pendant une chasse aux chiens courants entre voisins, elle est
le témoin de la honte et de la forfaiture de monsieur Ishi, monsieur Ni
et monsieur San, qui s'entendent pour cacher leur méfait. Dégoûtée,
elle tourne bride et s'enfuit par le plus court chemin, mais son
monture est trop lourde pour la glace du lac qu'elle veut traverser, et
elle s'enfonce dans les eaux gelées. Pas un des hommes présents ne fait
un geste pour la sauver : l'héritière du domaine disparue, chacun peut
espérer obtenir ce qu'il convoite : monsieur Ishi veut la veuve, qui
reste la plus belle femme du pays, monsieur Ni l'or qui lui permettra
de se lancer dans les affaires, et monsieur San la charge du défunt qui
lui offrira l'opportunité de devenir un grand officier, craint et
respecté. Quand les derniers remous du lac s'apaisent, les trois
complices rentrent au domaine pour mettre leurs projets en œuvre...
Chacun avec une bonne fortune qui le conduira à la réussite de son rêve.
Pendant ce temps, Maraki s'éveille dans l'antre d'un
vieu fou Shinobi qui lui propose un marché. En échange de son savoir de
guerrier, qui un jour permettra à la jeune fille d'accéder à la
vengeance à laquelle elle aspire, il lui demande obéissance et
servitude jusqu'à ce qu'il meure. Il fut un guerrier redouté, et peut
en cela être pour elle un excellent maître. Il n'aspire plus qu'à tirer
de la vie tout ce qu'elle peut encore offrir à un vieil homme comme lui
: du vin, de la viande, l'oubli dans les excès des souvenirs et du
néant qui s'approche. Maraki n'a pas le choix, elle n'est encore qu'une
petite fille qui n'a nulle part où aller. Avec Ukinfuné Jinnai, elle
apprend à grimper, nager, lancer, voler, se rendre visible ou
invisible, traquer le point faible de l'ennemi, résister à la douleur.
Elle découvre qu'il n'y a pas de noblesse dans la guerre et dans la
violence, et que seuls s'en sortent ceux qui sont sont décidés à mettre
en œuvre tous les moyens, quels qu'ils soient... Et quel que soit le
prix à payer. Car Maraki pourrait tourner le dos, la vie se charge
d'elle-même de faire payer à chacun ses propres forfaits. Mais elle a
fait une promesse, ce jour-là, dans les eaux gelées du lac Chambara...
Si l'histoire n'apporte guère de surprise, cet album
vaut surtout pour la richesse de son trait, de sa mise en page et de
ses couleurs. Il reste fidèle aux codes du genre (maquillages,
costumes, scènes de combat chorégraphiés), mais fait appel à des grands
à-plats de couleurs contrastées qui rendent avec richesse les rues de
la grande Edo, la profondeur des forêts, les yeux d'une courtisane ou
la délicate paix d'un jardin. Certaines scènes, condensées sur une page
entière, sont particulièrement expressives. Il y a là une richesse
graphique et visuelle assez rare qui mérite largement, outre le fait
que le sujet soit à même de les intéresser, de proposer cet album aux
meilleurs lecteurs en collège (4e-3e), et bien sûr en LP et en lycée.
Références :
Le chien dans la vallée de Chambara / Hugues Micol. Futuropolis, 2011. 16€. 978-2-7548-0373-1.