Le château des animaux, 1. Miss Bengalore / Félix Delep, Xavier Dorison
Ce qui frappe d’abord, c’est la beauté de la couverture, sur laquelle trône
un taureau majestueux, encadré de quatre chiens, devant un petit chat
blanc longiligne. Le trait est moins doux à l’intérieur de l’album,
mais on sent au premier regard qu’on a à faire à un univers visuel
riche. En préambule, Xavier Dorison expose les intentions qui ont
présidé à la mise en œuvre de cette série directement inspirée de la
célèbre « Ferme des animaux » de Georges Orwell. Le roman,
œuvre majeure de la littérature mondiale, questionne le totalitarisme
en imaginant une ferme dans laquelle les animaux, s’étant libérés du
joug des humains, retombent dans les mêmes ornières en mettant en place
leur propre régime autoritaire. Dans son préambule, Xavier Dorison met
en parallèle les autocrates qui ont inspiré Georges Orwell (Staline ou
les révolutionnaires de la Terreur française), avec les hommes de paix
qui ont aussi marqué le 20e siècle : Gandhi, Martin Luther King et
Nelson Mandela. Le propos est clairement d’introduire la possibilité
d’une résistance non-violente dans le système totalitaire.
Quand commence le récit, la ferme est depuis
longtemps aux mains des animaux. Tellement longtemps qu’on ne se
souvient même plus depuis quand, ni pourquoi les hommes sont partis. Le
système mis en place par Silvio, le taureau président, appuyé sur une
milice de chiens, est bien rôdé : chaque animal de la ferme trime
tout le jour et dépose son dû au grenier central, en échange d’une
maigre pitance et d’une illusoire protection contre de soi-disant
meutes de loups qui menaceraient la ferme. Silvio trafique les
richesses amassées contre des caisses de champagne et de croquettes
pour chiens avec un homme sorti d’on ne sait où. L’espoir semble bien
avoir déserté le château, et la terreur est ancrée dans les esprits.
Pourtant un rat débarque un jour, qui va de place en
place pour jouer un spectacle mettant en scène un petit homme chauve à
lunettes qui résista sans violence aux ordres d’un roi lointain, en
utilisant une arme qu’aucun canon ne peut détruire : la vérité.
Quelques animaux, parmi les plus chétifs, écoutent le rat, et écoutent
leur coeur : il est peut-être possible de faire quelque chose pour
secouer le joug ?
« Nul ne savait encore qui en réchapperait, qui y mourrait, qui y
trahirait ou même si un seul d’entre eux arriverait jusqu’au bout. Mais
ce jour-là, un chat, un lapin et un rat, l’espace d’un moment, avaient
fait taire la peur et naître l’espoir. Et pour quiconque a connu comme
moi le terrible château des animaux, il ne pouvait y avoir qu’un seul
mot pour qualifier cette grande nouvelle… un miracle. »
Une série de très grande qualité à proposer en
collège et lycée, et à glisser aux collègues de lettres qui étudient
« la Ferme des animaux » en classe.
Références :
Le château des animaux, 1. Miss Bengalore / Félix Delep, Xavier
Dorison. Casterman, 2019. 15,95 €. 978-2-203-14888-8. (Série prévue en
quatre tomes).