Le Chien qui louche / Etienne Davodeau



Couverture de l'album
    Musée du Louvre, salle des Cariatides. Deux gardiens sont en pleine séance de pronostics :
«  Ce matin, je parie sur huit minutes, et toi ?
- Mmh... vingt-deux minutes, je dirais...
- Prépare la monnaie, mon pote. »
L'enjeu de leur pari quotidien ? Le temps qui s'écoulera avant que le premier visiteur ne leur demande la direction de la Joconde. A l'image de ce dialogue, Étienne Davodeau choisit pour sa contribution à la collection de bandes dessinées en partenariat avec le plus célèbre musée de France un point de vue à la fois respectueux et irrévérencieux. D'abord, fidèle à son goût des gens ordinaires, il adopte le regard d'un des travailleurs de l'ombre, en bas de la hiérarchie (« vous savez, mon job, au Louvre, ça n'est que la surveillance (..) »), et pourtant plein de richesses et de nuances. Mais surtout, il imagine l'histoire loufoque d'une belle-famille du Maine-et-Loire qui, ayant mis le grappin sur un véritable agent du prestigieux musée, décide de le charger d'une mission de confiance : faire entrer dans les collections du Louvre une œuvre de l'arrière-arrière-grand-père, artiste à ses heures ayant commis un terrible « Chien qui louche ».
    Fabien est amoureux de la belle Mathilde, ce qui lui permet d'endurer les sarcasmes pleins de légèreté de tous les hommes de sa belle-famille (« voilà donc le gars qui se tape ma sœur »... « assis toute la journée ? Ah je pourrais pas. Il doit falloir une volonté d'acier pour pas s'endormir ! ») Cependant, l'amour ne le rend pas aveugle au point de ne pas se rendre compte que la toile, en dehors du fait qu'une acquisition se doive de respecter un processus bien cadré, n'a aucune chance d'avoir un jour sa place aux cimaises de son lieu de travail. A moins que des gens bien intentionnés ne décident de lui venir en aide dans cette situation épineuse : la mystérieuse République du Louvre, confrérie d'amateurs ayant tous un rapport particulier au célèbre musée (et quand on dit particulier... ça peut être très particulier!), décide de prendre sa demande en considération !

    Comme à son habitude, Étienne Davodeau se tient au plus près de l'humain, avec toutes ses subtiles nuances. L’œil avisé de Fabien sur le musée, ses œuvres et ses visiteurs est doublé par le regard amoureux que le vieux monsieur Balouchi pose sur ses « amies », statues plus ou moins complètes du département des sculptures. Ils sont eux-mêmes complétés par la vision bienveillante que
leur porte l'auteur (sur eux et sur les situations qu'ils traversent : les murs, le sol et les objets valsent chez Mathilde dans une étreinte joyeuse, tandis que les statues se mettent brusquement à proférer les propos les plus triviaux dans la salle des Cariatides...) Tout le savoir-faire et la saveur du regard de l'auteur de « Lulu femme nue » se retrouvent dans cette histoire dépourvue de toute gravité, tendre et savoureuse. Un opus loufoque de la collection associée au Musée du Louvre, à proposer sans hésiter au lycée et au LP.



Références :
Le Chien qui louche. Étienne Davodeau. Futuropolis, musée du Louvre éditions, 2013. 20 €. 978-2-7548-0853-8.