Château de sable / Frederik Peeters, Pierre Oscar Lévy



Couverture de l'album
    Sur un scénario de Pierre Oscar Lévy, Frederik Peeters poursuit son exploration de l'étrangeté, à travers un dessin faussement « normal ». Une petit crique découpée dans une côté abrupte sert de décor à ce drame qui se déroule sur une journée. De décor, mais aussi de ressort dramatique, voire de personnage à part entière...
    Difficile de parler de Château de sable sans déflorer le sujet ! Le petit théâtre que devient la crique voit entrer en scène au cours de la matinée tous les protagonistes de l'histoire. Deux personnages isolés tout d'abord, au petit matin : une jeune femme qui se croit seule et plonge dans l'eau, entièrement nue, observée depuis les broussailles par un homme qu'on dirait en fuite, sac au dos et barbe de trois jours. C'est alors qu'un premier accident survient... Entrent ensuite en scène les quatre membres d'une famille de vacanciers lambda. Ils débarquent sur la plage avec parasol et glacière dès huit heures du matin, car le petit dernier a sonné le réveil à cinq heures ce matin-là. Une deuxième famille les rejoint bientôt, sortie d'un gros 4x4 : monsieur, médecin, madame, beauté fanée, deux ados forcément désagréables et belle-maman. C'est alors que survient le deuxième accident.
    Le soleil est déjà haut dans le ciel quand débarquent trois nouveaux protagonistes : Henry Lascaride, écrivain, accompagné d'un couple dont on ne saura guère plus que quelques éléments épars : il porte une casquette et des lunettes, elle est noire et c'est la fille de l'écrivain. Ils arrivent en pleine crise et tentent derechef de faire demi-tour, mais il s'avère bien vite qu'il n'est pas si facile de quitter la scène.
    Tout est en place désormais pour que le drame se déroule jusqu'à son terme, comme une tragédie antique qui voit les personnages se débattre en vain contre un destin déjà écrit. Le trait hyperréaliste de Frederik Peeters accentue l'impression d'étrangeté qui se dégage de l'histoire, alors que son sens ne nous apparaît que progressivement. Et encore : l'explication elle-même pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses... Quelques rares plans sur la nature (rochers, fonds marins, calme crique) renforcent le sentiment d'absurdité : elle est belle et calme, mais totalement indifférente à ce qui se joue dans son décor. Si tant est qu'elle n'y ait pas carrément une part...

    Cet album sur la condition des hommes et le temps qui passe est à proposer aux lecteurs les plus mûrs en lycée et LP, son abord n'étant pas évident pour les plus jeunes.


Références :
Château de sable / Frederik Peeters, Pierre Oscar Lévy. Atrabile, 2010. (Bile blanche). 17€. 978-2-940329-72-4.