Le bureau des complots / Jérémy Mahot


Le bureau des complots - Mahot
    « La première fois que j'ai entendu parler des attentats du 11 septembre 2001... c'était durant l'été 1999. »

    Henry Walker Junior, que sa collègue de bureau définit comme un « connard arrogant et solitaire », et qui est sommes toutes un type assez banal, travaille au bureau des complots. Il s'agit d'une agence aux missions très spéciales, plus secrète que les services secrets américains. Cette agence gère bien des dossiers délicats, la grippe aviaire, le tsunami sur les côtes thaïlandaises, le dossier afghan... C'est à elle qu'a été confiée la mission de faire en sorte que les terroristes qui avaient planifié une attaque de grande envergure sur le World Trade Center, le Pentagone et le Capitole réussissent. Perplexité chez les agents : « vous voulez envahir tout le Moyen Orient ou quoi ? » D'où que vienne l'ordre et quelles que soient les motivations du commanditaire, l'action du bureau est incontournable : « sans nous, les types arriveront au mieux à détourner un avion et à le faire se crasher sur un champ de maïs... les autres se feront arrêter avant même d'avoir lancé Internet Explorer pour acheter leur billet d'avion. On a déjà les noms et les adresses des trois quart, c'est pour dire... »
La préparation d'une telle opération est lourde : il faut entraîner les terroristes, prévoir le pilotage automatique des avions parce que les pilotes ne seront pas assez bons, truffer le bâtiment d'explosifs parce que sa structure est capable de résister à deux crashs d'avions, maquiller le tout, prévoir les éléments de langage à fournir aux médias et aux hommes politiques, prévoir la destruction de tous les dossiers de l'agence pour effacer les traces, mettre tout le monde sur écoute pour être capable de réagir à temps... Pendant ce temps, la vie de famille d'Henry bat sérieusement de l'aile du fait de ses absences répétées et de son incapacité à les justifier. Mais la mission passe avant tout le reste, et sous peine d'y laisser sa peau, les doutes ne sont pas permis aux agents.

    Nous portons tous en nous un petit penchant pour les théories du complot, penchant que cet album irrigue avec jubilation. Plus c'est gros et mieux ça passe, alors Jérémy Mahot en rajoute une louche. Son graphisme très particulier, un peu jeu vidéo des débuts, très stylisé, permet des rencontres cocasses entre la gravité des actes et l'insignifiance des vignettes. La scène au cours de laquelle le directeur de l'agence leur révèle la mission qui les attend est particulièrement réussie, avec un travelling très drôle autour de la barque sur laquelle se déroule la partie de pêche qui leur sert de couverture : vue de côté, vue du dessus, plan rapproché, en ombres chinoises... on pense un peu au jeu de Master Mind, par l'aspect graphique des personnages, puis on se souvient qu'ils discutent très sérieusement de faire des milliers de morts (sans compter les équipes temporaires qu'il faudra liquider après l'opération pour limiter les risques de fuite...), et le télescopage entre les deux révèle toute sa saveur.
Cet album dont on a beaucoup parlé est à proposer à nos lecteurs dès le collège (4e-3e, il faut quand même quelques références sur l'histoire récente pour apprécier), en LP et en lycée.


Références :
Le bureau des complots. Jérémy Mahot. Delcourt, 2012. (Shampooing). 12,50 €. 978-2-7560-2885-9.