Bugaled Breizh / Pascal Bresson, Erwan Le Saëc
Bugaled Breizh. Ce nom est resté dans nos mémoires, à défaut de l'être
dans celles des nos élèves qui étaient trop jeunes en 2004, sans
que nous puissions forcément retracer avec précision les faits qui y
étaient liés. Les souvenirs sont vifs dans la tête de Michel Douce,
patron pêcheur qui signe la préface de ce livre. Tels qu'ils se sont
imprimés ce jour de janvier, il y a douze ans, quand son chalutier a
fait naufrage par temps calme en une vingtaine de minutes, entraînant
par le fond cinq marins aguerris. Yves, Éric, Pascal, Patrick et
Georges, dont la mémoire reste liée à de nombreux questionnements, sur
lesquels la Justice est toujours en cours. Les auteurs retracent cette
affaire en s'attachant aux démarches effectuées par un journaliste
local, personnage fort en gueule et un peu en marge, qui va s'attacher
à faire la lumière sur le naufrage. Athus Bossenec comprend rapidement
qu'il y a des manipulations dans cette histoire dramatique, et que les
autorités ne disent pas toute la vérité. On apprend dans un premier
temps que le chalutier aurait été abordé par un navire étranger qui
aurait pris la fuite. Puis qu'il aurait sombré après avoir
« croché » quelque chose au fond. Pressé par les famille des
victimes et les médias, l’État-major envoie sur place un robot équipé
d'une caméra pour filmer les débris. Un coup de pouce de la
députée-maire du Guilvinec oblige les autorités à faire renflouer
l'épave. Ce qui fait progresser les doutes : le Bugaled Breizh a
été enfoncé symétriquement des deux côtés, comme s'il avait été pris
dans un étau. Pour Bossenec, les soupçons se confirment : la seule
explication plausible est que le bateau a été entraîné par le fond à
une vitesse extrêmement rapide (ce qui explique l'enfoncement de la
coque). Or, des sous-marins de quatre marines européennes effectuaient
ce 15 janvier des manœuvres dans le secteur, dont un sous-marin
français...
Entre ses blessures intimes et les nombreuses embûches d'une enquête à
mener contre la « Grande Muette », Arthus Bossenec progresse,
mais lentement... « Je suis né dans un pays où le deuil vient
souvent de l'océan ». Le tout est de trouver la force de ne pas
s'y résoudre.
Cette bande dessinée
documentaire puise ses sources dans les faits établis au cours de
l'enquête, autant que dans la fiction quand il s'agit d'imaginer la
manière dont les protagonistes les ont vécus. Elle rend ainsi vivant un
fait divers dramatique qui a marqué les esprits, et nous fait découvrir
le monde de la mer sous un angle peu habituel. Couleurs sombres, traits
réalistes qui la rapprochent de l'univers de la presse écrite nous
embarquent dans cette histoire d'hommes qui refusent la fatalité. Pour
les lycéens (LP et lycée).
Références :
Bugaled Breizh / Pascal Bresson, Erwan Le Saëc. Locus Solus, 2016. 20 €. 978-2-36833-137-8.