Blacksad, 4. L'enfer, le silence / Juan Dias Canales, Juanjo Guarnido
Blacksad
est de retour ! On ne présente plus le félin détective, qui revient ici sous une couverture
toujours aussi réussie. Le bleu profond associé au titre de l'opus
laisse planer une discrète inquiétude quant au devenir du chat
attachant...
Cette
aventure-ci plonge Blacksad et son fidèle Weekly dans les bas-fonds de
la Nouvelle-Orléans, où les appelle un producteur de musique agonisant.
Faust Lachapelle a été un grand découvreur de musiciens de rues, un
grand promoteur du jazz. Atteint d'un cancer, il se soigne chez une
prêtresse vaudoue et cherche à laisser ses affaires en ordre,
c'est-à-dire principalement à retrouver un de ses musiciens qui a
disparu de la circulation. Sebastian Fletcher, héroïnomane notoire, est
un pianiste aux doigts d'or qui a été comme un deuxième fils pour
Faust. Fin connaisseur de jazz, Blacksad écume les bars, surveille les
conversations, remonte la trace des anciens compagnons du band de
Fletcher. Junior Harper, en prison plus souvent qu'à son tour. Big Bill
Lenoir, à qui il manque une jambe et qui chante à pleins poumons dans
la rue « the devil's gonna get you, man, as sure as you's born
! » (Porter Grainger). Aucun ne sait ce qu'est devenu le pianiste
surdoué. Sa femme, prête à accoucher, ne l'a pas revu depuis un bon
moment.
A vrai dire,
beaucoup de gens s'intéressent à cette affaire. Ted Leeman, détective
privé peu subtil, fraîchement dessaisi de l'enquête au profit de
Blacksad. Ou Thomas Lachapelle, le fils de Faust, qui ne voit pas d'un
très bon œil l'hypothèse d'avoir à partager l'héritage familial avec un
musicien héroïnomane, au moment où des sommes assez considérables
deviennent nécessaires pour le traitement de son père. Comme dans toute
enquête qui se respecte, personne n'est tout-à-fait ce qu'il semble
être, et chacun a ses petits secrets...
Faisant par
choix une grande place à la musique, l'album est comme toujours dans la
série un vrai bonheur visuel. Les personnages sont finement rendus,
qu'ils soient centraux (Sebastian, le chien, a vraiment une
« gueule ») ou secondaires : au bar où Weekly commande un
« milk-shake au bourbon », le serveur, un buffle massif, fait
volte-face en lui assénant : « tu trouves que j'ai une tronche de
vache laitière ? » A ce trait précis et extrêmement riche en
détails comme en profondeur s'allie une mise en couleurs toujours
somptueuse : voir par exemple les jeux de lumière dans les feuillages
quand Blacksad et Thomas Lachapelle déjeunent en terrasse... Une
histoire profonde sans être complexe, un univers visuel riche et
subtil, et quelques pistes de plus pour cerner le héros de la série...
Voilà un album de grande qualité à proposer aux amateurs dès le collège
(bons lecteurs de 4e et 3e), au LP et au lycée.
« There ain't nothing can harm you
with mommy
and daddy
standing by... » (Edwin Bose Meynard – George Gershwin)
murmure la berceuse à l'oreille du tout-petit, tandis que la vie au-dehors persiste à démentir l'optimisme des mères...
Références :
Blacksad, 4. L'enfer, le silence / Juan Dias Canales, Juanjo Guarnido. Dargaud, 2010. 13,50 €. 978-2205-06313-4.