L'Arabe du futur. Une jeunesse au Moyen-Orient / Riad Sattouf

L'Arabe du futur est instruit. Même quand il a, comme le petit Riad,
des cheveux blonds d'actrice californienne qui volent dans le vent et
une voix de petite fille, il doit aller à l'école. Les cheveux blonds
viennent de Clémentine, sa mère française. L'héritage arabe
d'Abdel-Razak, son père syrien qui est venu faire des études en France
pour qu'on l'appelle docteur (et tant pis si c'est docteur en histoire,
parce que docteur en médecine c'est pas possible, il ne supporte pas la
vue du sang). On ne saura pas très bien ce que pense sa mère de tout ce
qu'elle vit, étant donné que les réactions qu'elle semble avoir ne
modifient guère le cours de la vie de famille : ni au tout début
de sa relation avec Abdel-Razak, quand elle s'applique à le fuir, ni
quand elle espère le voir accepter un poste à Oxford et qu'il postule
en Libye, ni quand il installe sa famille dans des conditions
invraisemblables près de Homs.
Abdel-Razak, vu
par les yeux de son fils aîné, est la figure centrale de ces deux
premiers tomes autobiographiques. C'est un homme mû par des ambitions
étonnantes (se faire appeler « docteur », trouver un trésor
dans les champs proches de son village natal), non croyant et non
pratiquant mais persuadé que les Sunnites sont les seuls à avoir
raison, et qui ne questionne guère ces valeurs reçues en héritage, même
lorsqu'elles conduisent au pire (l'assassinat « pour
l'honneur »). Rien d'étonnant alors à ce que le petit Riad ait une
vision bien personnelle du monde dans lequel il vit :
« j'aimais moins Assad que Kadhafi. Il était moins beau, moins
sportif ». Ce qu'il vit aussi, c'est un quotidien monotone entre
quatre murs, sa maman refusant de l'envoyer à l'école parce qu'il ne
parle pas l'arabe (encore que, en discutant avec les quelques garçons
proches de lui, il se constitue rapidement un petit répertoire
d'injures bien senties).
Cette curieuse
évocation du Moyen-Orient de la fin du 20e siècle touche à des sujets
sensibles (les régimes en place, leurs relations avec les grandes
puissances et avec Israël, la famille et la place de la femme
notamment), mais avec un détachement étonnant : celui du regard
enfantin ? Celui, tissé d'opportunisme, de son père ? Pas de
grandes œuvres, seulement le quotidien (qui soulève parfois des
questions cruciales, mais que ni l'auteur ni son entourage ne semblent
questionner), au fil d'un dessin volontiers enfantin, avec un code
couleur en guise de guide touristique : rouge pour la Syrie, jaune
pour la Libye, bleu pour la Bretagne (où vivent les parents de
Clémentine). Le témoignage vaut néanmoins pour son originalité et le
regard porté sur la vie quotidienne en Libye et en Syrie dans les
années 1980, même si on finit par trouver que le deuxième tome
n'apporte pas grand chose de neuf. La suite du récit de Riad Sattouf
donnera peut-être des réponses de ce point de vue ? Pour les
lycéens (lycée et LP).
Références :
L'Arabe du futur, une jeunesse au Moyen-Orient / Riad Sattouf. Allary Editions, 2014.
1- 1978-1984. 978-2-37-073014-5. 20,90 €.
2- 1984-1985. 978-2-37-073054-1. 20,90 €.