Après la rafle / Arnaud Delalande, Laurent Bidot, Clémence Jollois
Les habitants
du Loiret connaissent maintenant assez bien, grâce au travail du Cercil
(désormais partie intégrante du Mémorial de la Shoah et de la
déportation), l'histoire des camps de Jargeau, Pithiviers et Beaune la
Rolande, qui ont servi au rassemblement des Juifs avant leur
déportation vers les camps de la mort. Appuyé sur le témoignage d'un
homme qui y a été détenu lorsqu'il était enfant, ce récit éclaire une
autre facette de cette terrible histoire : celle de la vie des enfants juifs dans la France occupée.
Joseph Weismann avait 11 ans lorsque ses parents,
ses deux soeurs et lui ont été arrêtés lors de la rafle du Vel' d'hiv'.
Il raconte l'incrédulité d'une famille juive ordinaire devant les
mesures répressives qui leur sont imposées, et la confiance qu'elle
continue malgré tout de faire au gouvernement. En parallèle, il
imbrique les négociations entre Français et Allemands sur la mise en
place des arrestations. Joseph et sa famille resteront cinq jours au
Vélodrome d'Hiver, avant d'être transférés au camp de Beaune la
Rolande. En 1942, les ordres de déportation allemands ne concernent que
les adultes, les familles sont donc séparées et des centaines d'enfants
restent seuls dans le camp. Avec un garçon de son âge, Jo, Joseph
décide de s'enfuir. C'est la partie la plus singulière de cet album,
qui suit les enfants dans leur projet et sa mise à exécution, et
surtout dans la vie hors du camp, les portes des braves gens qui se
ferment, ceux qui les livrent à la police, mais aussi les gendarmes qui
ferment les yeux, l'orphelinat, les familles d'accueil plus ou moins
intéressées, l'antisémitisme enraciné, puis la Libération, l'attente
interminable de parents qui ne reviennent pas. Et la vie qu'il faut
construire après, apprendre un métier, fonder une famille. La mémoire
qu'il faut bâtir elle aussi, entre les souvenirs, les lieux d'un passé
qu'on a effacé (les camps du Loiret ont été rasés après la guerre), et
finalement le devoir de mémoire, suggéré par Simone Weil (rencontrée
lors d'une conférence) et assumé au travers d'une multitude de
rencontres dans des établissements scolaires.
"Mon nom est Jo Weismann. Et je vous en prie, mes enfants... N'acceptez pas l'inacceptable."
Le témoignage de Joseph Weismann a inspiré un film,
"La Rafle" (2010), un livre, "Après la rafle" (2011), et cet album qui
en est l'adaptation. Un album utile en collège et en lycée pour
poursuivre le devoir de mémoire.
Références :
Après la rafle / Arnaud Delalande, Laurent Bidot, Clémence Jollois. Les Arènes, 2022. 979-10-375-0569-9. 21€.